© Jean-Guy Coulange
« Aux informations, ils parlent de plus en plus d’un virus en forme de couronne venu de Chine. Des morts chez eux, en Italie aussi. L’épidémie gagne. »
Jean-Guy Coulange enregistre les sons à pas de velours, son œuvre ne fait pas de bruit, mais construit imperturbablement des réseaux de significations, cherchant la densité de présence à partir d’un territoire géographique circonscrit (les fleuves Somme et Rance, l’île de Groix, le Finistère Sud), plutôt que la dispersion dans l’agitation ou l’inquiétude stérilisante.
© Jean-Guy Coulange
Compositeur et artiste multimédia, Jean-Guy Coulange écrit, peint, photographie, capte des sons, pour des livres (trois chez Hippocampe Editions, présentés dans L’Intervalle) et des documentaires sonores offrant à chacun l’opportunité d’une écoute fine des paroles humaines et des lieux.
Son dernier projet, Bruissons, fruit d’une résidence au site d’expérimentation artistique de Bazouges-la-Pérouse (35), Le Village, non loin de son camp de base de Saint-Malo, est une méditation sur un lieu en trois saisons (Hiver, Confinement, Printemps), six photographies, cent aquarelles et textes.
© Jean-Guy Coulange
Jean-Guy Coulange ne distingue pas le biographique du générique, et le petit point du vaste ensemble, cherchant à articuler profondeurs de temps, de géographie, et d’âme.
L’opus Bruissons – accompagnant une exposition éponyme – se présente donc comme un journal ou carnet de résidence très libre relatant une expérience, précisément située, aux résonnances multiples.
© Jean-Guy Coulange
Il ne s’agit pas de tout dire, tout montrer, tout représenter, mais de faire tout cela avec intensité, nécessité, sans craindre le silence, le blanc ou l’ellipse.
Bruissons raconte une histoire, de frondaisons d’ombres et de chemins de lumière, d’arbres sentinelles et de soleils froids.
La forêt en est le personnage principal, mais aussi les voix des enfants d’une classe de sixième ou d’une école primaire s’interrogeant sur ce qu’est un son.
© Jean-Guy Coulange
Que faire face à la mer, face à un arbre, face à un enfant ?
Que faire face à soi-même ?
Prendre son micro, ses pinceaux, son bloc-notes, son appareil de visions.
Rencontrer des habitants, écouter, dialoguer avec eux, de poétique à poétique.
© Jean-Guy Coulange
Superposition des couches de sons, d’aquarelles, d’écritures.
L’art protège.
Distanciation sociale ? « D’emblée, je n’aime pas comment on nous parle. »
« La distanciation c’est Brecht, l’adresse au public, toute mon histoire du théâtre. »
© Jean-Guy Coulange
Il faut se confiner, tenir avec les souvenirs.
« Je me souviens d’une nuit en plein tournage de Lichen, lichen (France Culture, 2012), j’étais allé dans la forêt proche d’Audierne pour capter l’ambiance de la nuit. Je n’avais pas plutôt déclenché l’enregistrement qu’un bruit terrifiant me fit hurler et arracher le casque, croyant que j’étais victime d’une attaque de je ne sais quel animal. Et je me retrouvai, hébété, mon casque et mes micros à la main, scrutant tout autour de moi, rien, le silence de la nuit, faiblement peuplé, inoffensif à l’oreille nue. En réécoutant cette petite scène, on entend une sorte de frottement qui s’accentue puis disparaît soudain puis mon cri puis l’arrachage du casque. Je n’ai pas su quel animal m’avait frôlé, probablement la chouette de la région qui porte bien son nom, l’effraie. »
Le retrait, la nuit, et des sons.
© Jean-Guy Coulange
La vie reprend.
Dans la propagande médiatique de la mort, Bruissons propose un pas de côté, une balade en forêt, en attendant la grande résurrection des voix.
Sans tarder cependant d’envoyer dans l’autre monde ce petit livre au frère de charité, moine dominicain, Michaël Lonsdale.
© Jean-Guy Coulange
Jean-Guy Coulange, Bruissons, écriture, photographie, aquarelle, distribution Les Presses du réel, 2020
Exposition du 18 octobre au 13 décembre 2020 à la galerie Laizé – direction artistique David Chevrier -, Bazouges-la-Pérouse (35)