
© Brad Feuerhelm
Le projet expérimental Mondo Decay, du photographe américain Brad Feuerhelm est une publication (Witty Books, Turin) associant livre et cassette audio du groupe Nun Gun – auquel participe l’artiste -, ayant travaillé sur les films italiens Mondo Cannibal des années 1970 et 1980 prenant pour sujet les exorcistes, les zombis et les pratiques anthropophages.
En ses images, Brad Feuerhelm cherche à approcher ce que serait le monde après une catastrophe, dans une sorte de stade avancée du capitalocène.
Le sauvage n’est pas à chercher dans un ailleurs apocalyptique, le pire a déjà eu lieu, il est là, devant nos yeux.

© Brad Feuerhelm
En apparence, tout est calme, et les paysages sont les mêmes qu’à l’ordinaire, mais c’est comme si tout s’était effondré intérieurement, et qu’il ne suffisait que d’une légère impulsion pour mettre à bas l’édifice de civilisation.
Le cinéma de plein est un indice ethnologique, mais il y a belle lurette que les voitures ne roulent plus, et que l’essence est épuisée.
Le courrier déborde des boites aux lettres : qui ramassera ces courriers écrits pour des fantômes ?
Jonchées de mégots, pipelines, rouille.
Pneus, cordes pour se pendre, fauteuil roulant.

© Brad Feuerhelm
La petite race humaine a péri, les immeubles sont vides, les cheveux des belles à jouir pourrissent comme le pain abandonné sur la table il y a des mois.
On peut deviner çà et là des survivants, cachés derrière des rideaux sales, ou dans la pénombre des rues étroites, mais la mort a pris possession des lieux.
Où fuir ?
Comment déchirer le bâillon ?
L’angoisse ligote, c’est un nœud coulant.

© Brad Feuerhelm
Les objets du règne industriel s’amoncellent, désormais sans emploi.
Des plastiques, des tôles, des assiettes vides.
Les palais sont effondrés.
Le bitume explosé ouvre sur des gouffres, d’où monte l’odeur fétide des royaumes souterrains.

© Brad Feuerhelm
Le matérialisme économique est un poster déchiré, à Moscou ou Los Angeles.
Le cogito ergo sum était une belle invention, mais insuffisante pour comprendre en l’homme ce qui le troue.
Mondo Decay indique qu’il est trop tard pour ne pas se mettre à genoux, et étreindre les derniers rais de soleil.

Brad Feuerhelm, Mondo Decay, text Michael Salu, graphic design Alice Figus, project concept Brad Feuerhelm & Lee Tesche, Witty Books (Turin), 2021 – 500 exemplaires

© Brad Feuerhelm
Publication accompagnée d’un projet musical diffusé sur cassette – band Nun Gun : Brad Feuerhelm, Lee Teesche and Ryan Mahan of Algiers