
©Lucie Pastureau
L’adolescence est pour la photographe Lucie Pastureau une période d’intense fascination.
Pour la série Luminescences, elle a rencontré à l’Hôpital Saint-Vincent-de-Paul, situé à Lille, des jeunes filles en souffrance, leur proposant de les observer comme des planètes étranges, voire « des extraterrestres ».

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Interrogeant sa place d’artiste au sein d’une institution, et le rôle de chacun dans une communauté humaine soudée par le soin, la photographe a participé pleinement, par le regard posé sur chaque personne, au processus de reconnaissance de l’autre, préalable à toute interaction véritable.
Il y a dans la recherche esthétique de Lucie Pastureau une grande délicatesse, qui est un accueil des vulnérabilités partagées dans des moments de métamorphoses intimes.

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Avec le collectif Faux Amis, fondé en 2008 avec Lionel Pralus et Hortense Vinet, l’artiste explore les richesses de la photographie vernaculaire, participant par le montage des archives à la recréation d’une mémoire collective.
Installée dans les Hauts-de-France, Lucie Pastureau y poursuit depuis 2012 sa chasse aux fantômes, dans la fidélité au mage Hervé Guibert.

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La publication par les éditions Harpon d’une monographie très attendue, intitulée logiquement Luminescences, permet de donner à son regard une respiration ample et magnifique.
« Au départ, précise l’artiste, j’ai travaillé en argentique. Le problème, c’est que les lumières de l’hôpital sont terribles. Il n’y a pas d’ombre. Je trouvais mes photos affreuses. Et puis, en regardant les négatifs d’une adolescente aux bras scarifiés, je me suis aperçue que c’était beaucoup plus juste. La lumière paraissait émaner de son corps et sortir de ses cicatrices. »

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Comprenant notamment des photographies réalisées par superposition d’images de voies lactées issues de la bibliothèque de la NASA, Luminescences opère un montage très subtil entre photographies en positif et en négatif.
On le comprend, cet ouvrage est un cosmos, voire un chaosmos (Kenneth White), correspondant au bouleversements intimes vécus par les adolescents que l’artiste a rencontrés.

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La dimension surnaturelle de nombres d’images, se décalant du naturalisme documentaire et des jeux autofictionnels, transforme leur mal-être en un espace ouvert à la pensée magique, à la déprise psychologique, à la métamorphose de soi participant d’un processus de libération.
Un carnet de pages volantes insérées dans le livre permet d’entendre la voix des protagonistes – « ça m’énerve quand je ne vois pas », « M… ta culotte comme ça qui traîne sur ton lit t’as pas l’impression que… » -, de les rendre vivantes, de les restituer dans leur énergie et leurs fragilités.

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Luminescences est un voyage dans des intimités blessées.
En postface, le psychologue clinicien et psychanalyste Guillaume Darchy écrit avec beaucoup de justesse : « Il faut dire que l’adolescence interroge, plus qu’aucune autre période de la vie, les conditions d’existence dans nos sociétés. Comme sur une plaque sensible en négatif, les questions cruciales de nos vies s’y trouvent interrogées de façon spectaculaire, grotesque ou radicale. Au-delà du spectacle de la fascination que ces manifestations peuvent susciter, c’est une autre scène qui peut s’y révéler. »

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Ces planètes étranges et belles, Lucie Pastureau a su les reconnaître, et les mettre en lumière.
Lucie Pastureau, Luminescences, textes Lucie Pastureau et Guillaume Darchy, éditrice Caroline Perreau, directrice artistique Maroussia Jannelle, Editions Hartpon, 2021, 96 pages
Membre fondatrice du collectif Faux Amis, Lucie Pastureau a rejoint en 2012 le studio Hans Lucas
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