Trente-six fois Marilyn Monroe, par Anne Gorouben, peintre, et Olivier Steiner, écrivain

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©Anne Gorouben

« Il y aura toujours une nouvelle photo de Marilyn. Peut-être qu’il aurait fallu la photographier toute sa vie, nuit et jour, une photo chaque seconde pendant trente-six ans. Un milliard cent trente-cinq millions deux cent quatre-vingt-seize mille secondes, photos. Ou bien il faudrait la dessiner. La redessiner. Chercher ses visages, son ombre, sa lumière, ses contours. » (Olivier Steiner)

Marilyn Monroe la lumière est un mystère.

Une solitude à crever.

Un chagrin inconsolable.

Une joie.

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©Anne Gorouben

« Elle est belle et elle peut être sublime, irréellement belle, une déesse, écrit Olivier Steiner dans Le Ravissement de Marilyn Monroe, livre de douleur et d’élégance accompagné de portraits de la divine dessinés par Anne Gourouben. Elle est sublime et elle peut être simplement jolie, ravissante. Elle est ravissante et elle peut être commune, une fille comme il y en a tant, maladroite, si peu sûre d’elle qu’on aurait envie de la fuir ou de la prendre dans ses bras pour la rassurer, la consoler, lui dire que ça va aller. Parfois elle se voit, parfois elle ne se voit pas. Parfois elle s’aime ou plutôt se love, parfois elle se déteste. C’est ce genre de fille, de femme, d’enfant. Une contradiction ou un miracle, ça dépend des jours, des heures. Elle est celle qui échappe à toute tentative de définition, de catégorisation. »

Elle meurt à trente-six ans, le 4 août 1962.

Elle cherche des bras, un corps, un sexe, une intelligence, elle les trouve, puis les perd aussitôt, qui la perdent en la rejetant.

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Sourire, pudeur, manteau de fourrure épousant une nudité.

Inquiétudes, coups de poing, barbituriques, overdose.

Elle est morte, elle échappe, il faut la retrouver.

Marilyn attire à elle le temps, le réduit à néant, pure présence, et absence.

Belle endormie réveillée épuisée.

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Olivier Steiner cherche à la comprendre en mots, comme Anne Gorouben à la retrouver trente-six fois en dessins, au crayon gris, montrant l’éblouissante lumière, et l’effort de Norma Jeane pour changer d’identité, se métamorphoser en aura de cinéma : les nymphes se suicident-elles ? Que s’est-il passé exactement ce jour-là pour qu’elle parvienne à foutre le camp, à tout fuir en s’endormant définitivement ?

Marilyn Monroe a beaucoup erré, son corps est un point fixe, mais il ne lui appartient plus, avalé par les tout-puissant système de représentation moderne.  

Sa bouche est belle, souvent ouverte, appelant le baiser, ou la morsure.

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La photographie la fixe, la stabilise, elle s’en étonne toujours un peu, puis repart dans le flou.

Qu’a vu le bougainvillier près du portail de sa maison de Brentwood, situé dans le Westside, à Los Angeles ?

Et l’Océan, à Malibu et à Santa Monica, dans lequel elle aimait tant se baigner ?

Et Maf, le petit bichon maltais, « offert par Frank Sinatra à Marilyn pour la consoler de sa rupture d’avec Arthur Miller » ?

Comment est morte la star ?

Un crime a-t-il été maquillé en suicide ?

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Marilyn Monroe crève de solitude, c’est vrai, elle le dit, mais quel est le rôle dans cette affaire de Robert Kennedy, frère du Président et ministre de la Justice, exfiltré de Los Angeles la nuit du drame. Officiellement, n’a jamais été là.

Et celui de John lui-même, qui, selon l’actrice, aimait bien embrasser sa cicatrice au ventre ? Elle venait, rappelle l’auteur, de subir une opération de la vésicule biliaire.  

Et les Studios, qui l’ont exploitée tant que peut ?

Olivier Steiner mène l’enquête, donne chronologiquement le déroulé des événements, écrit dans les blancs, en laisse, telle Marguerite Duras, planer d’autres.

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Une femme disparaît, une autre apparaît, en dessin, un double, une sœur d’aujourd’hui.

« Son combat pour vivre une autre vie, pour grandir, analyse la peintre, pour être plus forte, pour être indépendante, pour faire face à la folie maternelle et à l’effrayante violence du monde masculin des producteurs hollywoodiens, de la mafia, de ses amants, Sinatra, Kennedy et les autres, parle aux femmes des années 2020. »

Qu’a-t-on vraiment mis dans le feu de la cheminée ? Quels documents ? Pourquoi cette précipitation ?

Olivier Steiner fait entendre la voix de la star, et celle des proches ou de simples témoins.

Anne Gourouben la réinvente, rieuse, séductrice ou mélancolique.

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« Plus je dessinais, confie-t-elle, plus je me sentais proche d’elle, et plus je retrouvais en elle des amies disparues qui me sont chères. Combien de fois ai-je pensé à Martine Broda, poète ? Marilyn, la « misfit », n’est pas une étrangère aux borderlines que nous sommes. »

Morte, le visage de Marilyn est redevenu celui de Norma Jeane, le constat est bouleversant : l’enfance l’emporte.  

Le-Raviement-de-Marilyn-Monroe

Anne Gorouben & Olivier Steiner, Le ravissement de Marilyn Monroe, éditrice Marie Hasse, graphisme Jeanne Roualet, photogravure Roger Emmeneger, Editions Metropolis, 2021, 164 pages

Anne Gorouben

Editions Metropolis

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