©Anne-Lise Broyer
Un enfant lit le journal, tranquillement installé dans le fauteuil d’un salon d’un grand hôtel de bord de mer.
Nous sommes en France, quelque part dans les deux premières décennies du XXIe siècle.
Le petit garçon essaie de comprendre : où est la droite ? où est la gauche ? où est la justice ? où est-il lui-même dans la turbulence des événements historiques ?
©Anne-Lise Broyer
Quel sera son destin ? demain existe-t-il ?
Il faudra bientôt partir – au fond, il en a conscience depuis toujours -, et traverser comme un Egéen d’autrefois les champs d’âmes phalènes voletant devant les murailles de Troie s’appelant aujourd’hui Maersk, Censeur ou Lucifer.
– Dis-moi, mon fils, quelles sont les dernières nouvelles ?
– J’ai retrouvé mon ballon rouge, Monsieur Robert Smithson me l’avait emprunté. Et puis, j’ai rêvé que je conduisais une voiture, comme dans le film que tu m’avais montré, tu sais, avec des gangsters aux lunettes noires attendant devant un casino sous la pluie. J’étais au volant, mais il n’y avait plus d’essence et la marée montait à toute vitesse, elle m’encerclait. Alors, j’ai vu la branche d’un arbre gigantesque se pencher vers moi. Elle m’a attrapé par la taille, et m’a déposé sur le dos d’un cheval au galop. Je n’avais pas peur, tu me regardais grandir, tu étais là.
©Anne-Lise Broyer
©Anne-Lise Broyer
L’enfant se tait maintenant, hurle sans bruit, ouvre toutes les fenêtres, écoute les vagues.
Une femme a vécu longtemps ici, dans la tempête d’elle-même, en son roc.
« Se trouver dans un trou, au fond d’un trou, dans une solitude quasi-totale, écrivait-elle, et découvrir que seule l’écriture vous sauvera. »
Peut-être aussi la photographie en sa charge d’amour traversant le temps.
©Anne-Lise Broyer
©Anne-Lise Broyer
L’acuité d’éveil mène au silence, ou aux vastes orchestrations.
Anne-Lise Broyer parcourt des yeux les falaises de craie, les chemins contrebandiers et les musées d’anatomie.
L’artiste dispose ses motifs, ses sentes de sous-bois, ses bouquets de fleurs fanées, ses noirs mystères, ses jeux de dames dans le velours des jours gris, bleus et verts.
Des parquets, des tableaux craquelés, des miroirs usés comme dans un palais vénitien.
©Anne-Lise Broyer
Des personnages d’arbres, des cours d’eaux renoiriennes, des livres recouverts de poussière.
Une humanité de solitudes.
Des paysages hantés.
L’enfant ne ferme jamais les yeux, ou alors tout d’un coup, c’est lui aussi un veilleur.
©Anne-Lise Broyer
Le lilas va fleurir, ô printemps délicieux.
Qui s’interroge, comme le Petit Prince revenu en habit de batiste : « Mais alors, les épines, à quoi servent-elles ? »
Anne-Lise Broyer, Le temps est caché dans les plis d’une fleur, textes Colette Fellous et Jean-Luc Germain, maquette Anne-Lise Broyer, interprétation d’après les négatifs Guillaume Geneste, photogravure Clément Regard, Editions Loco / nonpareilles, 2021
©Anne-Lise Broyer
Série photographique réalisée dans le cadre d’une résidence de création sur l’invitation de Laura Serani pour le festival Planches Contact – exposition présentée aux Franciscaines (Deauville) du 23 octobre 2021 au 2 janvier 2022
©Anne-Lise Broyer