From the serie Allfather © Sebastien Van Malleghem
« Le blanc abyssal des orques noirs embrase alors la houle : j’ai plongé dans leur regard et abordé l’étreinte gémellaire de la Nuit et de l’Océan ; j’ai chevauché le chant des baleines dans les ressacs d’un harmonica, jusqu’à enflammer la Voie lactée. »
Allfather, titre de l’impressionnant livre du photographe belge Sébastien Van Malleghem, pourrait désigner le souffle de vie primordial, le chaos originel créateur, Dieu en sa froide indifférence ou son absence glacée.

Publié chez Photopaper en 2021, cet ouvrage est un voyage dans des confins tant physiques que métaphysiques.
La solitude y est omniprésente, mais aussi une sorte de communication organique avec le pleinement vivant.
Pérégrinant dans des conditions extrêmes, Sébastien Van Malleghem, qui obtint en 2019 une résidence de création en Norvège, a découvert un territoire à sa (dé)mesure, notamment en s’installant dans une cabane en Arctique puis en vivant sur une île d’une centaine d’habitants façonnée par des conditions climatiques très rudes, l’artiste y mettant à l’épreuve son corps et une inventivité de survie.
From the serie Allfather © Sebastien Van Malleghem
Si Allfather témoigne de ce voyage initiatique, les images proviennent cependant de différents horizons, sud de la Floride dans les Everglades, Islande, Bretagne, Belgique.
Il n’y a pas d’humains, ou de vagues présences, des silhouettes, mais une recherche d’unité profonde entre la nature en sa puissance presque monstrueuse et le personnage humain qui l’arpente en cherchant à reprendre vie.
Le sublime s’élabore aux marges de la terreur, telle est la définition absolue du romantisme.
Allfather – très belle couverture sérigraphiée sur cartons, et ponctuation d’images en noir & blanc imprimées sur feuilles de type or – est une prière intense, à la nuit, au corbeau qui s’élance, à l’Océan effrayant.
From the serie Allfather © Sebastien Van Malleghem
Où est-on vraiment si ce n’est dans un espace mental où des alligators côtoient des orques, un chasseur-trappeur des marais de palétuviers, un héron pensif l’enfant éternel d’un esclave.
Le combat pour la liberté est essentiellement de nature spirituelle, l’artiste puisant dans le vaste dehors les ressources d’un renouvellement, ou d’une confirmation intime.
Un homme de dos, à l’ouverture d’une grotte, contemple l’horizon : il porte peut-être un costume, mais c’est un homo sapiens embarqué dans le flux du temps.
Nous funambulons sur un fil invisible, nous marchons sur des précipices, la voie lactée est d’une beauté inimaginable.
Sébastien Van Malleghem contemple des bris de glace, des blocs de neige à la dérive, des tempêtes de colère divine, des nuages menaçants, mais aussi la quiétude d’un cheval dans un matin du monde, ou de quelque sorcier tenant autour de son cou un chien confiant comme une brebis de sacrifice.
From the serie Allfather © Sebastien Van Malleghem
Une maison prend feu, la lande prend feu, l’univers prend feu.
Nous plongeons, nous nous sauvons, la voûte céleste craque.
Oui, Allfather nous le prouve, il y a encore un monde, des miracles naturels, une sauvagerie qui sauve.
Dans une Terre à la dérive, attaquée de toutes parts, ce livre est une célébration des forces primitives et de l’inconnaissable.
Sébastien Van Malleghem, Allfather, conception graphique Gert Verbelen, motion design François de Montremy, Photopaper/Renegades, 2021, 128 pages
Sébastien Van Malleghem – site