America, blonde platine, par Kourtney Roy, photographe

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©Kourtney Roy

Kourtney Roy n’arrête pas.

De se déguiser, de se grimer, de se maquiller, de s’habiller, de se déshabiller, de s’amuser.

Son projet, comme disent les agents immobiliers, et les enseignants soucieux de bien faire ? Parodier les codes de la représentation ordinaire, et les torpiller de l’intérieur par un humour ravageur.

Le papier glacé avale les femmes pour les enrober de la salive gluante de la publicité, Kourtney Roy en fera un bassin de piscine de plein air où nager, selon ses propres lois, ses propres codes, ses propres désirs.

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©Kourtney Roy

17e volume des éditions IIKKI, Queen of Nowhere est un nouvel opus de l’artiste canadienne passée par l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris, dans lequel on retrouve son art de la mise en scène au service de ses fantaisies et obsessions majeures.

Accompagné d’un Cd et d’un vinyle – à acheter ensemble ou séparément – faisant entendre la musique inventive de Dayve Samer (Trance Farmers), sorte de mix entre le pop, la néo-country et les univers sonores présents dans les films des frères Coen, Queen of Nowhere se déroule aux Etats-Unis, sous le soleil implacable d’une société structurée par les stéréotypes véhiculés par le cinéma hollywoodien mainstream.

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©Kourtney Roy

Petite Marilyn passant l’aspirateur sur une route du désert californien, le personnage imaginé par Kourtney Roy est une blonde platine portant une robe rose, ou des talons hauts rouges et un chapeau de cowboy.

Un lasso, un crotale pendu à un fil de fer barbelé (propriété privée, défense d’entrer), un cheval, pas de doute, nous sommes dans la mythologie américaine, entre western des origines et derniers feux de la société de consommation des années 1960.

Pas de nostalgie bien entendu, mais un jeu savoureux avec la façon dont les films de l’usine à rêve de la côte Ouest ont nourri notre imaginaire.  

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©Kourtney Roy

Il y a de la sauvagerie ici, une certaine façon de danser avec le vide et la dépression, une vacuité de motels et de néons illuminant la nuit.

Kourtney Roy pense par aplats de couleurs et accessoires, n’aimant rien tant que de déranger subtilement l’ordre des représentations dominantes.

Il y a du burlesque en elle, comme un clown se heurtant aux quatre côtés d’un tableau d’Edward Hopper.

Un arbre se consume, des matelas éventrés s’empilent au bord de la route, les cabanons du peuple sont envahis par la végétation, tout n’est pas si rose au pays des sodas et des cannettes de Lone Star.

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©Kourtney Roy

Marfa Girl rentre dans un bar, commande une Budweiser, se penche un peu sur le billard en faisant bâiller son tee-shirt.

Il y a sûrement un Remington dans le sac à main en simili croco bleu turquoise tenu fermement sous la poitrine.

Le petit gars de la pompe à essence reluque le soutif à carreaux, et les jambes galbées sous la jupe fendue jusqu’au bout des cuisses.

Le skaï de la banquette de la Ford est brûlant.

Un rapace est tombé raide mort sur l’herbe roussie.

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©Kourtney Roy

Il se pourrait que la fin du monde commence ici, ou que les extraterrestres fassent de ces lieux damnés un futur camp d’extermination pour la petite et orgueilleuse race humaine.

En attendant, Kourtney renverse un paquet de chips sur le carrelage en damier, puis tombe de sa chaise après avoir bu un ultime whisky on the rock.

Pas de prince charmant dans Queen of Nowhere, mais un bébé hurleur dont on peut se demander s’il n’est pas l’allégorie de notre destin à tous, hommes de peu de foi jetés sur un terrain de sport vide comme au jour du Jugement dernier.

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Kourtney Roy, Queen of Nowhere, directeur d’édition et de publication Mathias van Eecloo, IIKKI, 2022 – 700 exemplaires numérotés

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Cd éponyme – 200 exemplaires numérotés ; Vinyl – 300 exemplaires numérotés

Kourtney Roy – site officiel

KOURTNEY ROY - QUEEN OF NOWHERE - BOOK PHOTO- 03

Se procurer Queen of Nowhere

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