De la photographie comme pratique anthropophagique, par Calin Kruse

©Calin Kruse

Sous sa couverture-jupe volante en skaï ou en simili-cuir, faisant songer à un maroquin ministériel, Cannibals de Calin Kruse est un livre brûlant.

Cinq fruits et légumes par jour ? Non pas pour l’éditeur et auteur de Leipzig, adepte du régime baroque sans exclusive.

 Le véganisme est une évidence, mais pas forcément tous les jours lorsque vient à poindre l’appétit de chair humaine.

Composé d’images en noir et blanc imprimées sur papier épais, Cannibals offre à la dévoration scopique des femmes nues, toutes plus belles les unes que les autres, des affranchies sachant rire et aimer de tous leurs pores.

©Calin Kruse

Tout œuvre d’art, comme chez Homère et Hésiode, doit commencer par une invocation à la Muse.

La voici en première page, la déesse-Mère, l’alma mater universelle, giron gonflé, seins lourds de lait, blonde chevelure tombant sur l’épaule droite, regardant fixement son regardeur.

Il faut faire recul, se prosterner cérémonieusement, avant que de mieux connaître les royaumes féminins.

Un mannequin porte une mantille, jambes glabres, tissu noir, d’une présence mystérieuse.

©Calin Kruse

Des jeunes filles posent en se marrant, jouant avec le photographe anthropophage, l’amoureux absolu.

Ceci est mon corps, contemplez-le à fond, appelez-nous Aphrodite ou Kali.

Calin Kruse ne cherche pas la provocation, mais la douceur d’être ensemble lors d’un festin partagé.

Une femme est assise sur la cuvette des WC, une autre dont les yeux bleus percent le papier semble une antilope effarouchée, dans un médaillon de vitrail (image en couleur), la Vierge Marie tient contre sa ronde poitrine nue au téton brun proéminent l’enfant de la Rédemption.   

©Calin Kruse

Voyez comme notre peau est lactescente.

Il y a de seins partout, près des hanches, et sous les pieds peut-être.

L’une dit Fuck Off, les épis d’une plante sudiste protégeant sa pudeur.

Il y a des plis, des chairs quelquefois abondantes, de la difformité, tant mieux pour la salive et la manducation.

©Calin Kruse

Dans un cahier central en couleur de plus petit format, Calin Kruse expose un crâne d’homme chauve, l’œil rouge et orange d’un hibou, une bouche suçant un morceau de mangue, des lèvres d’homme maquillées, des chaussures rouges à talon haut, une grimace, deux pains aux céréales écrasés par une cordelette, inventant la pratique du bondage culinaire.

C’est ici une joie polychrome, une audace de formes, un flash d’onirisme et de fantastique.

Ensuite reprend le ballet des nymphes s’amusant avec l’objectif, une peau de serpent sur papier calque, une pointe de sein étirée jusqu’à la rendre disgracieuse.

Le corps est un matériau comme un autre, nous en faisons ce qui nous semble bon, la beauté, contre l’idée platonicienne du suprême bien, n’est pas un gage d’innocence.

©Calin Kruse

C’est vendredi, il est temps, ma chérie, de sortir les couteaux, et de nous dépecer.

Calin Kruse, Cannibals, Dienacht Publishing, 2022 – 200 exemplaires

https://dienacht-magazine.com/publishing

©Calin Kruse

https://www.dienacht-magazine.com/2022/11/07/calin-kruse-cannibals

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