La tectonique des plaques, par Isa Marcelli, photographe

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©Isa Marcelli

Encore une fois les éditions norvégiennes Skeleton Key Press frappent fort en intensité de sensibilité en publiant le travail d’Isa Marcelli, See Until I See No More.

Cet ouvrage de grande élégance – couverture en tissu, marquage à chaud, qualité de l’impression -, est une aubaine pour découvrir quelques-unes des plus belles œuvres de la photographe vivant en France adepte de la chambre noire et des techniques anciennes, collodion humide, gomme bichromatée, lith, palladium, cyanotype, platine.

L’acceptation de l’accident inhérent à ces techniques n’est pas une coquetterie, mais procède d’un sens profond, métaphysique.

©Isa Marcelli

Ces altérations et éblouissements imprévus métaphorisent le hasard guidant notre existence, et les chemins inattendus que la vie nous fait prendre souvent dès que le cœur s’ouvre.

Isa Marcelli ne cherche pas d’abord le produit fini, mais le souffle vital, l’énergie, l’invention spontanée.

Par la grâce des procédés traditionnels, devenus l’apanage des aventuriers de l’alternatif, ses images possèdent une épaisseur de temps et d’espace qui évoque l’inconscient, et le travail, fin, tellurique, imprévisible, de la mémoire.

Cette façon d’amener à l’éclosion les visions peuplant notre boite noire interne est superbe.

©Isa Marcelli

Il y a du mystère, de la sensualité, une étude du corps relevant de l’art classique.

Des tournesols, une carpe japonaise, un vieil arbre chenu.

On songe à la rencontre de Julia Margaret Cameron et de Sally Mann dans un cabinet d’amateur bruxellois ou parisien fin de siècle.

Le fil du retardateur est quelquefois montré, mais comme un lien, une relation, un cordon ombilical, une liane.

Un bol rempli de fruits, des seins nus entre lesquels s’érige la tige d’une fleur épanouie, un supion couvrant de son œil torve et de ses tentacules gluantes une céramique posée à l’envers comme une cloche tibétaine, tout est merveilleusement beau et évocateur.

©Isa Marcelli

Un dos nu.

Un groupe humain.

Un visage grave.

Une figure qu’effacent des bulles chimiques.

Une composition de cheveux et de fourrure.

Isa Marcelli interroge l’énigme féminine, la notion de nature morte, et le panérotisme parcourant le vivant.

©Isa Marcelli

Il y a du recueillement et de la solennité dans ses images, un ordre sacré, et des lointains merveilleux, qu’ils proviennent du regard des modèles, de la pose de nudité classique, ou d’une frondaison.

Chez la photographe, le monde est enceint, rond, fécond.

Son œuvre est une célébration de la création dans toutes ses dimensions, une brassée de fleurs jetées dans le fleuve du temps.  

©Isa Marcelli

See Until I See No More est un temple pour vénérer en le recréant encore un monde en voie de disparition.

Isa Marcelli, See Until I See No More, text Reid Masselink, edited by Isa Marcelli & Russell Joslin, Skeleton Key Press (Norway), 2023, 128 pages – 400 copies

©Isa Marcelli

https://isamarcelli.com/fr/page-21551-bio

©Isa Marcelli

https://www.skeletonkeypress.com/isa-marcelli

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