Mincéirs, paradis des enfants, par Joseph-Philippe Bévillard, photographe

©Joseph-Philippe Bévillard

On pourrait être à Philadelphie avec Mark Cohen, à Liverpool chez Tom Wood, ou à Brighton chez Martin Parr, mais non, nous sommes en Irlande avec le photographe américain Joseph-Philippe Bévillard, dont le premier livre, Mincéirs, publié à Oslo par Skeleton Key Press, laisse éclater le talent.

Témoignant de la réalité des gens du voyage irlandais – appelés Mincéirs – , cet ouvrage est bien plus qu’un essai documentaire, mais une immersion, en couleurs vives sur fond de ciel généralement gris, dans une communauté l’ayant accepté avec cœur.

Ses compositions sont franches, son regard honnête, ses portraits saisissants de vérité.

©Joseph-Philippe Bévillard

En quatre-vingt-dix planches, Mincéirs montre avec empathie, stupeur et drôlerie, une communauté se battant pour que ne disparaisse pas son mode de vie singulier.

Bévillard est au plus proche de la vie quotidienne des personnages qu’il rencontre, notamment des enfants, bruts et vrais, tisons ardents jetés en toute liberté dans la froideur de l’Eire.

Constellés d’éphélides, les visages ont le teint de qui vit au grand air, à dos de cheval ou sur les buttes herbeuses.

©Joseph-Philippe Bévillard

Le catholicisme est très présent, qui soude les âmes en scandant les différentes étapes de la vie.

Les animaux ne sont pas perçus comme des inférieurs, mais comme des membres à part entière de la famille.

Du petit garçon et du chien, on ne sait pas vraiment qui tient qui en laisse, ou qui promène qui.

Des enfants jouent avec un pistolet, ou s’ennuient, ou se rassemblent autour d’une tombe.

Bévillard photographie sans pathos, mais avec tendresse et humour.

©Joseph-Philippe Bévillard

Il n’est pas un artiste venu se rincer l’œil, mais un boxeur de vie parmi les autres.

Barbe à papa, lunettes de soleil, robes à fleurs.

Quad pétaradant, coupe de cheveux à la sauvage, fureur de vivre des gosses.

Déguisement, mobil-home, carnaval permanent.

Bricolage existentiel.

©Joseph-Philippe Bévillard

On joue beaucoup dans les images de photographe vivant désormais en Irlande, on expérimente, on ne contraint pas le corps pour enfermer l’esprit.

Un ethnologue repèrerait les signes d’un peuple, ses habitudes culturelles, son ethos.

Minceirs, ce sont des tribus d’enfants aussi beaux que libres et crasseux, en vacances torse nu près de la caravane, des camionnettes rouillées et des salons de jardin dépareillés.

Un whippet s’avance tel un coyote dans la poussière d’une déchetterie de pneus, une petite fille en habit rouge a les deux pieds dans une piscinette en plastique, des girls de huit ans portent des robes de mariées froufroutantes.

©Joseph-Philippe Bévillard

Il y a sur le mur en crépi un graffiti de l’IRA, des hommes en costume bleus ou gris impeccables tirant sur leur cigarette, et des rêves de miss près de gamins aux poings serrés.

Sainte Marie, Mère de Dieu, et toi Christ de miséricorde, protégez nos enfants des corbeaux du malheur.

Mincéirs est un hommage à la jeunesse, une ode à la liberté, et une prière fraternelle.  

Joseph-Philippe Bévillard, Mincéirs, with an essay by Peggy Sue Amison, edited by Russell Joslin, Skeleton Key Press, 2022 – first edition, second printing, 500 copies

©Joseph-Philippe Bévillard

https://www.skeletonkeypress.com/minceirs

©Josep-Philippe Bévillard

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