Sombres beautés de l’Apocalypse, par Ilias Georgiadis, photographe

©Ilias Georgiadis

Les livres des éditions Origini (Livorno, Italia) sont chaque fois une merveilleuse surprise, l’artisanat d’art rencontrant la photographie avec une intelligence formelle qui ravit.

Forecast, du Grec Ilias Georgiadis, se présente ainsi sous un emballage noir à déplier – après en avoir défait le nœud attachant les quatre pans – comme on ouvre une feuille de lotus. 

Au dos, quatre œillets de fer encadrent une image abstraite, l’ensemble faisant penser à quelque fétiche gitan en hommage à l’invisible tel qu’on en trouve dans la crypte de l’église majeure des Saintes-Maries-de-la-Mer.

©Ilias Georgiadis

Comme un suaire ayant enveloppé les yeux de la Vierge noire se souvenant de la coulée de ses yeux.

Le livre se présente comme un grand carnet de voyage qui serait la vision mentale d’une seule journée abordée comme une énigme métaphysique.

On peut regarder ses doubles-pages et pages composées de quatre feuillets à déplier en écoutant la musique au piano du compositeur Daphne Kotsiani (un QR code est fourni), dont les silences et les accords simples sont d’une mélancolie pleine de grâce.

©Ilias Georgiadis

Forecast est un bloc de ténèbres peuplé d’oiseaux, de paysages de mer tourmentés et de visages en très gros plans.

Il ne faut pas craindre ici de se salir les mains, l’encre est biosourcée et tout a été fait pour que l’ouvrage, ponctué de quelques papiers de transparence blanche ou rose, soit vegan. 

Nous allons certes à la catastrophe, mais rien n’empêche d’agir encore et de créer avec conscience.

©Ilias Georgiadis

Forecast aurait pu s’appeler « Dies Irae », mais il est peut-être plus païen qu’orthodoxe.

Règne en cet opus très graphique un égarement proche de la démence, comme une vengeance du cosmos envers la petite race humaine malfaisante.

On prend l’avion, on voit les ravages, on plaint l’aube nouvelle.

Il y a des lignes d’écume comme un sillon féminin immense.

Jouir, jouir avec la mort, ne plus jamais jouir.

©Ilias Georgiadis

Certains perçoivent encore les anges entre les pluies d’atome méphitiques – chaque image est une attaque de burin, ou une épreuve de fixation allant vers la pulvérulence -, ce sont sûrement des chiens d’homme, fidèles et nobles, n’ayant pas perdu dans le laminoir social leur pouvoir d’omnivoyance natal.

Forecast est un cri muet, un chant ultime, une alarme.

Les bateaux à l’horizon sombreront bientôt, la mer est pleine de mines.  

Apollinaire trouvait sincèrement que la guerre était belle, l’apocalypse, sur le plan plastique, n’est pas mal non plus.  

©Ilias Georgiadis

Ilias Georgiadis a construit des chapitres, mais la narration est elliptique, déchirée, impossible, le storytelling n’est surtout pas pour lui.

On pénètre la chair même de la pellicule, son mystère chimique, avant que de peut-être devenir définitivement aveugle, comme le vieil Homère.

On ferme le livre, on regarde autour de soi les martinets et les petits échassiers de l’étang volant dans l’éternel retour du même, et l’on se dit qu’ils en savent bien plus que quiconque sur la destinée humaine.

Ilias Georgiadis, Forecast, editing and design Christos Vatalachos et Ilias Georgidias, Origini edizioni (Livourne, Italie), 2023, 56 pages – 120 exemplaires (édition courante) numérotés et signés

https://www.iliasgeorgiadis.com/

https://www.iliasgeorgiadis.com/index.php/works/forecast/

https://originiedizioni.com/https://origini-edizioni.myshopify.com/products/forecast-ilias-georgiadis-2023?variant=46496938033483

©Ilias Georgiadis

Musique originale au piano Daphne Kotsiani – et variations par Y. Fotiadis, D. Joss et I. Dimitriadis

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