
©Didier Ben Loulou
Se promener en Judée avec Didier Ben Loulou, c’est faire l’expérience du temps arrêté et pourtant fluide, un temps de tous les temps.
Un temps de sable et de pierre, un temps biblique.
Un temps de ciels de lacs salés et de paroles fondamentales.
Un temps de prières et de grenades piquées par le soleil.
Un temps de paix.

©Didier Ben Loulou
La terre est brûlée, et pourtant bleue.
L’œil pénètre les chemins de blé, fendus comme des buissons de femmes.
Le Tout-Puissant s’exprime en nuages de tourmente et chœurs de chardons.
C’est la musique de la sécheresse, des herbes ocres et des tissus écarlates abandonnés sur les roches comme après quelque sacrifice sanglant, ou danse extatique sacrée.

©Didier Ben Loulou
Didier Ben Loulou saisit au format carré la formidable héraldique du vivant.
Dans ce pan de territoire chargé d’Histoire règne, loin du bruit et des fureurs, une sérénité de Paradis, une fraîcheur dans l’aridité générale.
L’Eternel blasonne l’espace aux fruits de couleurs magnifiées par le procédé de tirage Fresson.
L’effort du coquelicot poussant entre les traits de paille est du Verbe pur.

©Didier Ben Loulou
Dans le Far Ouest de la Judée règne le feu purificateur lavant de leurs péchés les enfants de Dieu.
La flamme est un visage palestinien, le brasier d’une coupole dorée, une lettre hébraïque gravée sur une tombe.
Il y a des pâtres portant keffieh, une cavalière coiffée d’un chapeau de cowboy, et quelques traces de neige, puisque nous voyageons dans les quatre saisons du cœur.
Les oliviers et les pins dialoguent avec les fleurs d’amandiers, comme sur les toits de Jérusalem les robes juives avec les layettes des enfants musulmans.

©Didier Ben Loulou
Judée se souvient des autres livres de Didier Ben Loulou, notamment Sincérité du visage (2004), Mémoire des lettres (2012), Un hiver en Galilée (2018) et Sud (2018), on appelle cela une œuvre, cohérente, obsessionnelle, sublime.
Judée est ce royaume où chaque chose rayonne d’une présence silencieuse, la bassine, le balai, la sandalette, l’ange peint ou passant en habits blancs, non loin de là, dans la rue adjacente.
Une main photographiée de très près enserre doucement un canari n’en paraissant pas effrayé : cet animal pourrait être broyé en une seule pression, mais l’enfant sait bien que la préservation de sa délicatesse est le salut de son âme.

©Didier Ben Loulou
Des marchandes, des passantes, des pieds aux orteils polychromes.
La photographie de Didier Ben Loulou relève de la recherche des signes du mythologique dans le plus quotidien, d’un corps-à-corps avec la finitude et la dimension intérieure des êtres comme des choses.
Elle élève l’esprit en ravissant l’œil par sa très grande sensualité, ses compositions colorées, et le sentiment que chaque acte procède d’une solennité sans pareille.
La Judée ? un lieu « où réapprendre, dit cet infatigable errant méditerranéen, à espérer et à accueillir, en paix, une vie d’homme qui passe. »

Didier Ben Loulou, Judée, textes Dr. Guila Clara Kessous et Didier Ben Loulou, graphisme Wijntje van Rooijen & Pierre Péronnet, La Table Ronde, 2023, 96 pages
https://www.editionslatableronde.fr/judee/9791037112606

