
©Anne Rearik
La photographie d’Anne Rearick est d’abord le témoignage d’une relation de confiance.
Qu’elle travaille au Pays-Basque, dans les townships d’Afrique du Sud, à Sète, ou pour Le Champ des Impossibles (Christine Ollier) dans le Perche, l’émotion d’une rencontre prolongée dans le temps par le prisme de l’appareil de vision prime sur toute autre considération.
Ses images sont douces, délicates, attentives à la façon dont l’humain fait corps avec son environnement.

©Anne Rearik
On ne trouvera pas dans cette œuvre de complaisance envers le mal, ni le goût de légende douloureuse, mais un dialogue fin avec les animaux, les visages, les lumières dans les arbres.
Dans le Perche, Anne Rearick observe des complicités, des situations touchantes, notamment dans la drôlerie involontaire de l’existence, mais aussi la solitude de chacun abordée de manière compassionnelle.
Toutes les générations sont représentées avec une égale considération.

©Anne Rearik
Dans un noir et blanc argentique nimbant ses images d’une matière atemporelle, l’artiste née dans l’Idaho mais vivant essentiellement à Boston a saisi le Perche comme territoire privilégié d’une communauté heureuse, où l’on danse, où l’on fraternise, où l’on aime les bêtes.
Dans son dialogue en liberté avec Rémi Coignet, la photographe, adepte de la méthode bressonienne concernant le travail de l’acteur non professionnel (pas d’effet, de la présence, du neutre impliqué), s’explique intimement : « J’aurais aimé être médecin, mais je n’en ai pas eu l’opportunité. Je crois en la dignité des personnes et de leurs histoires, et je veux que les autres voient la valeur de chaque histoire, de chaque personne. »

©Anne Rearik
On songe ici au superbe livre de Jean Mohr, coécrit avec John Berger, Un métier idéal (Editions de l’Olivier, 2009) sur le quotidien d’un médecin de campagne dans la ruralité britannique.
Le critique rapproche avec justesse l’esthétique d’Anne Rearick, qui se situe dans la filiation de l’humanité et du professionnalisme de Dorothea Lange, des photographes américains de la « décélération », ainsi Mark Steinmetz et Raymond Meeks.

©Yves Trémorin
Autre galaxie photographique avec Yves Trémorin, lui aussi invité dans le Perche, dont on sait depuis le groupe Noir Limite cofondé avec Florence Chevallier et Jean-Claude Bélégou (à quand une rétrospective d’ampleur ?) la passion pour les matières, le corps à corps, le théâtre de la cruauté à la façon d’Artaud : traverser par le cri de déchirure – et le cru – la camisole sociale.
Son approche de l’espace percheron se fait par le truchement du cheval, regardé ici dans sa beauté plastique, sa puissance physique, et son organicité étrange.
« Ce qui m’intéresse, dévoile-t-il à Magali Jauffret, c’est la vie charnelle de la bête, que les chevaux soient réellement incarnés. Je me suis immergé dans le monde du cheval, au plus proche. J’ai étudié sa morphologie, sa manière de manger, de boire, de pisser, d’habiter son corps d’une manière qui reste une énigme pour nous, humains, et cela aussi loin qu’on puisse le faire sans basculer dans l’anthropomorphisme. »

©Yves Trémorin
La robe est regardée de très près, jusqu’à la désorientation de l’observateur.
Fascination quasi précapitaliste pour les génitoires, les viscosités merveilleuses et écœurantes du poulinage, les yeux évoquant une grande palette d’émotions.
« J’ai photographié, poursuit-il, leur tête comme des portraits d’animaux légendaires et mythologiques, jusqu’à évoquer un masque japonais. »
Whlahynd houyhnhnms, crie Swift, qui donne le titre à cette série.

Anne Rearick – Rémi Coignet, Le cheval de monsieur Peillon et autres histoires, coordination éditoriale Christine Ollier et Patrick Le Bescont, direction artistique Christine Ollier, Corinne App, Filigranes Editions / Le Champ des Impossibles – Art Culture & Co, 2023
https://www.filigranes.com/livre/rencontre-anne-rearick/

©Anne Rearik
Anne Rearick est représentée par la galerie Clémentine de la Ferronnière (Paris)

Yves Trémorin – Magali Jauffret, Whlahynd houyhnhnms, coordination éditoriale Christine Ollier et Patrick Le Bescont, direction artistique Christine Ollier, Corinne App, Filigranes Editions / Le Champ des Impossibles – Art Culture & Co, 2023
Yves Trémorin est représenté par la galerie VU
‘https://www.filigranes.com/livre/rencontre-yves-tremorin/

©Yves Trémorin
Cher Fabien Ribery,
Très beau papier comme toujours ! Noir Limite : en ce qui concerne son nom, il s’agit de Florence Chevallier et pas Françoise, si vous pouvez modifier
Eve Z
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