Martinique, mystères d’une identité, par Marie Mons, photographe

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©Marie Mons

Porté par une énergétique de la couleur, Un sourire de Case-Pilote, de Marie Mons, est un livre sur l’identité métisse de l’auteure, martiniquaise par son grand-père.

Alors qu’elle devient mère, la photographe s’interroge sur ses racines, son être propre, et le legs qu’elle transmet à son enfant.

Nous sommes tramés, parlés, inventés, créolisés.

©Marie Mons

Il n’y a pas de lieu clos, la porosité est notre loi, et notre chance.  

Marie Mons n’a connu que très peu son grand-père, né en 1926 dans le village de Case-Pilote.

« Je ne l’ai vu, précise-t-elle à l’orée de son livre, que rarement et ne lui ai pour ainsi dire presque jamais parlé. Il s’est marié deux fois et a eu de nombreuses compagnes. On lui connaît sept enfants de cinq femmes différentes, mais Paul n’a pas reconnu quatre d’entre eux, dont ma mère. »

Un sourire de Case-Pilote part à la rencontre de la culture créole, conques blanches, cartes postales, verre de rhum, et passé traumatique lié à la violence coloniale.

©Marie Mons

Marie Mons marche parmi des luxuriances végétales, se retourne pour parler avec un fantôme, cherche des traces.

Sa nudité est celle, troublante, sensuelle, fine, d’une femme androgyne, presque androïde, ultramoderne.

Comme la maternité, l’île peut être un paradis, et un enfer d’angoisses.

©Marie Mons

Aux Antilles, la culture atavique n’existe que dans le métissage, tout fait liane, entrelacs, entrelacements, entremêlements.

Quelle mémoire transmettre à l’enfant qui vient ?

Quelles odeurs lui offrir ? quels paysages intimes ?

La vierge Marie veille sur les cactus, les feuilles immenses, et les nuits de solitude.

©Marie Mons

Voici un photomaton de Paul, barbe impeccablement taillée, air sévère.

Voici des photographies de famille et des vues contemporaines.

Y a-t-il des secrets enfouis dans la savane caribéenne ?

Une femme allongée, yeux grands ouverts, regarde le vide.

©Marie Mons

Fleurs et rouge sang.

 Tenue traditionnelle et masques rituels.

La nuit remue, il y a des lumières et des présences lointaines, des défilés de carnaval pour traverser, ensemble, sans crainte, les ombres menaçantes.

Les morts-vivants dansent la souffrance des esclaves, des assassinés, des mutilés marrons.

©Marie Mons

Il y a presque toujours pour les insulaires un îlot faisant face à la côte, un point de focalisation, lieu où se rassemblent les esprits, comme un foyer d’énigme fascinant.

Un sourire de Case-Pilote offre une impression de Martinique, comme une sorte d’huile essentielle visuelle.

Etrangère, la photographe ne se fantasme pas antillaise, mais sa singularité est trouée, ouverte.

Ça bée dans l’absence, mais ça insiste dans la mémoire.

L’enfant est là maintenant, beau comme un dieu d’avenir.

©Marie Mons

Il y a du danger psychique dans le sauvage, le voyage aux Tropiques était une introspection, bébé est un âtre nouveau.

En postface, Patrick Chamoiseau écrit superbement : « Marie Mons ne chemine pas vers une terre natale, un territoire où s’enraciner, une généalogie où s’épingler, mais elle dérive vers un « lieu du monde » qui témoigne d’un bout de son origine indécise, elle y passe, y récolte toute la richesse possible dont témoigne cette œuvre photographique, puis elle s’en va, emportée par sa construction-déconstruction identitaire, unique, inclassable, dans la substance brumeuse de notre époque. »

Marie Mons, Un sourire de Case-Pilote, texte en français et anglais de Marie Mons et Patrick Chamoiseau, conception graphique Marie Mons et Yves Bigot, suivi éditorial Richard Volante, Editions de Juillet, 2023, 96 pages

Ouvrage ayant bénéficié du soutien de la Fondation pour la mémoire de l’esclavage

©Marie Mons

https://mariemons.fr/

https://www.editionsdejuillet.com/products/un-sourire-de-case-pilote

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