Japon, deux doses d’eau, un trait d’alcool, un peu de glace, par Bruno Labarbère, photographe

le

©Bruno Labarbère

« Au Japon, le soleil se lève particulièrement tôt. Entre mai et octobre, il fait ainsi jour bien avant que ne ferment les bars. La lumière est aussi crue et brûlante que les cerveaux sont brumeux et pâteux. Le ciel brille d’un bleu presque transparent. » (Bruno Labarbère)

Avec Mizuwari, livre impeccablement imprimé et graphiquement puissant, Bruno Labarbère a conçu une œuvre de dimension immersive.

Nous sommes à Tokyo, avec sa population diverse, ses bars de nuit, ses lieux de circulation.

©Bruno Labarbère

S’inspirant des maîtres du courant Provok, l’artiste français a cherché à rendre compte, au Leica M7, dans un noir et blanc très contrasté et des angles de prise de vue parfois aigus, du flux de vie traversant la capitale japonaise.

Quelques-uns de ses personnages dorment, par fatigue ou effet d’ivresse.

L’existence est un songe, une hypnose collective, Bruno Labarbère vous le montre directement.

©Bruno Labarbère

Publié sous forme de gros carnet à spirales – la roue du karma -, Mizurawi est un livre saoul, un peu fou, de sourires et de feu intérieur.

On boit beaucoup au Japon, surtout le soir, après la fermeture des bureaux, entre équipes d’abord, telle une façon de briser les hiérarchies, de renforcer la cohésion de groupe, de mélanger les corps – pas toujours avec consentement.

La méthode mizurawi consiste à mélanger l’alcool avec de l’eau, afin de prolonger l’ivresse.

©Bruno Labarbère

Donnant le sentiment de participer lui aussi à ces rites bacchiques, Bruno Labarbère regarde avec attention les visages, déformés ou angéliques.

Dans la rue, les transports en commun, les espaces dédiés aux enivrements, le Japon se donne à lire dans ses ombres et ses lumières intérieures, ses joies spontanées et ses mélancolies soudaines.

Les pages à rabat se déplient, donnant la sensation de véritables tableaux photographiques mélangeant lueurs et ténèbres.         

Mizuwari est un livre d’errances, de fulgurances, de fantaisies.

©Bruno Labarbère

Pour le décrire, en préface, la photographe Diana Lui a des mots parfaits : « Mizuwari nous plonge dans un tourbillon d’émotions et de sensations, où l’espace et le temps n’ont guère plus de sens qu’une pensée fugace. Des images subconscientes semblent jaillir de souvenirs venus d’un monde inconnu. La nuit noire d’encre, la douce et nostalgique montée de l’aube, les jours irrationnellement rationnels de Tokyo, brouillent les frontières du passé, du présent et du futur. Ses images fractales des mondes multicouches de Tokyo semblent nous aspirer dans une valse de kimonos délicats, de talons aiguilles, de déchets urbains, de corps pris en sandwich dans le métro, de parapluies flottant au milieu d’une architecture défiant la gravité, d’un enfant qui danse, de nouilles gobées à la hâte, d’étreintes amoureuses, de cigarettes fumantes, d’une tortue de mer imposante, de Godzilla, des héroïnes de manga dénudées, des visages éclairés par les écrans des téléphones auxquels ils sont collés… »

Chez Bruno Labarbère, Tokyo flotte, aquarium géant rempli d’éther.

Chacun semble aller l’amble, autosuffisant dans son monde étanche, et pourtant tout ici est collectif, codé, formant communauté.

©Bruno Labarbère

Le désir circule.

C’est un homme regardant des femmes nues dans son tabloïd préféré, une belle à la jupe courte très sexy, une silhouette menue sous un parapluie.

Selfies, cigarettes, lunettes de soleil.

La vie est un carnaval géant, et c’est partout ici, au Japon comme ailleurs.    

Bruno Labarbère, Mizuwari, préface Diana Lui, conception graphique Julie Abahouni et Bruno Labarbère, édition Brigitte Trichet, Hemeria, 2024 – 800 exemplaires

https://hemeria.com/produit/mizuwari-bruno-labarbere/

©Bruno Labarbère

https://planchescontact.fr/fr/artistes/bruno-labarbere

Laisser un commentaire