ALBA sidère, par Antonio Jiménez Saiz, photographe, et un peu plus encore

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©Antonio Jiménez Saiz

Cet homme, que tous appellent Antonio, ou Antonio Jiménez Saiz, est un mystère.

Personne n’a vraiment compris comment ce quasi inconnu a pu, en une dizaine d’années seulement, se faire une place au firmament du petit monde photographique, belge, français, européen, déchirant de sa fulgurance poétique un entre-soi bien difficile à pénétrer.

Il n’est pas bien-né, ne possède pas les réseaux qui font accélérer les carrières, ne prête aucune allégeance à l’institution.

Il est là et ne sollicite rien, continue à travailler contre vents et marées, produit livres et fanzines, ne cesse d’inventer.

Pas de position de surplomb, mais une indépendance maintenue farouchement.

On l’appelle, il répond présent, excelle comme toujours, mais préservant sa liberté.

©Antonio Jiménez Saiz

Vous avez quelquefois la chance de le croiser, dans un festival, une galerie, une librairie, un musée, un workshop, mais il sera ailleurs demain, peut-être très loin, dans un village monténégrin ou dans la Sierra Nevada, prenez-en conscience, il pourrait disparaître des radars.

Ayant eu accès aux archives déclassifiées de plusieurs pays européen, Thibault Tourmente, dont on connaît la passion pour les recherches iconographiques, lève le voile avec le volume ALBA sur cet individu étonnant, l’ouvrage présenté sous agrafe imposante comportant 181 images en noir & blanc issues des rapports des informateurs ayant suivi l’être au regard d’aigle sur plus d’une vingtaine d’années.    

Edité et diffusé par Independent Paper Consortium (Thibault Tourmente & friends) et L’Enfant Sauvage (Pauline Caplet) à peu d’exemplaires, ce titre est un document exceptionnel sur les divers visages d’un homme insaisissable, dont la véritable identité, au fond, au-delà de ses fonctions cachées, est d’être un artiste de nécessité.

Certains possèdent des hétéronymes, lui a la faculté caméléonesque de se fondre dans son époque pour passer inaperçu. 

C’est un hippie quand il faut être hippie, un professeur de chimie quand il s’agit d’assembler des molécules dans quelque guerre discrète, un hidalgo faisant la cuisine torse nu lorsque l’heure est à la séduction et au repos des braves.

©Antonio Jiménez Saiz

A soixante ans, il est plus jeune qu’à quarante-cinq, l’âge ne le concerne pas, c’est un outil, sans plus.

On le voit à Cuba ou sur la Côte d’Azur, dans un congrès révolutionnaire ou une fête de famille.

Il n’est pas douteux que ses proches ne savent pas eux non plus qui est leur mari, leur père, leur ami, l’opacité transparente est une loi lorsque l’on est employé par le contre-espionnage de son pays (la Belgique ? l’Espagne ?).

Sourire charmeur, petite foulée dynamique, barbe de trente jours, lunettes de soleil.

Béret, chemisette à carreaux, caméscope à l’œil.

Chien policier, tee-shirt All Star.

Antonio Jiménez Saiz ?

Un touriste, un prêtre catholique, un éducateur, choisissez.

Un animateur de radio (tiens, tiens), un père à peu près parfait, un navigateur au long cours.

Un peintre, un intellectuel, un plagiste.

Le corps est musclé, l’homme s’entretient, mais pour quelles courses ? quelles fins ? quelles nouvelles missions ?

©Antonio Jiménez Saiz

ALBA sidère par la multiplicité et la plasticité identitaire qu’il révèle.

Chaque image est en soi un monde, la preuve que réside en chacun l’autre, et que l’hydre à mille têtes peut être une donnée ontologico-stratégique.

Mieux que Cindy Sherman ? Antonio Jiménez Saiz.

Qui est solide et fluide, inquiétant et drôle, menaçant et bonhomme.

Un air de tueur.

Un air de bad boy.

Un air de tendresse.

Les images sont souvent griffées, altérées, ridées, le temps a passé dans les placards sombres des services secrets, l’énigme reste entière.

Nœud papillon, raquette de badminton, nage en eau froide façon commando.

ALBA, c’est Akhenaton, l’homme à la caméra et le bloom du XXe siècle.

Antonio Jiménez Saiz, ALBA, Independent Paper Consortium & L’Enfant Sauvage, 2024

https://www.enfantsauvagebxl.com/

https://www.instagram.com/independentpaper/

https://www.instagram.com/thibault_tourmente_/

Antonio Jiménez Saiz expose son arbre à chats perdus dans l’exposition Mondes en commun ayant lieu dans les jardins du Musée départemental Albert-Kahn, du 1er juin au 22 septembre 2024

https://albert-kahn.hauts-de-seine.fr/agenda/detail/festival-mondes-en-commun-visites-et-rencontres-1

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