
©Simon Vansteenwinckel & Manu Jougla
Ecriture gothique sur la couverture, photographies issues de tirages Lith (étranges beautés d’une chimie spécifique donnant une sensation d’épuisement visuel), papier souple brillant comme de l’asphalte mouillé, tel est Doppelgänger, de Simon Vansteenwinckel et Manu Jougla, vision d’une rencontre du troisième type dans le Morvan.
Cinq jours à photographier ensemble, une moisson de soixante-seize photographies, un livre publié par les Editions du Mulet évoquant ce jumeau maléfique tel que décrit dans les cultures germaniques.

©Simon Vansteenwinckel & Manu Jougla
Qui est Manu ? Qui est Simon ?
Qui est Manu Vansteenwinckel ? Qui est Simon Jougla ?
Les frontières de l’identité se perdent dans l’amitié, qui est aussi une dévoration, une sorte d’anthropophagie psychique, une déglutition ivre de l’un par l’autre.

©Simon Vansteenwinckel & Manu Jougla
Voici le Morvan avant, après et pendant l’Apocalypse.
Des soleils rouges troués de noirs comme par des impacts d’obus.
Des landes fantastiques où pourrissent des cadavres invisibles.
Des bonhommes de neige prêts à vous cogner avec leur tête de glace.

©Simon Vansteenwinckel & Manu Jougla
Doppelgänger fonctionne par diptyques, de risque mortel à risque mortel.
Il ne faut pas chuter, tomber du haut des termitières/terrils/pitons avec son appareil photographique sous l’œil halluciné d’un garagiste fan de Johnny Halliday.
Le ciel est plein de poussières noires, les arbres aux bras ouverts comme des pinces électriques parlent une langue inconnue, une tronçonneuse avance toute seule vers vous.

©Simon Vansteenwinckel & Manu Jougla
On rencontre des ouvriers, des grues immenses suspendant de lourdes ferrailles au-dessus des toits torves des derniers habitants irradiés, des édifices embroussaillés, des panneaux indicateurs griffés par des déments.
Simon, tu es un chat à l’œil bientôt crevé, Manu, tu es une peau mitée de points de vérole.
Condition humaine, memento mori, dernier instant à chaque instant.

©Simon Vansteenwinckel & Manu Jougla
Priez chers amis de la photographie pour le salut de vos âmes, les ponts sont glissants, et les chiens porteurs d’auréoles des messagers psychopompes prêts à vous dévorer.
Le paysage brûle, lith my fire, baby.
La plupart des femmes ont fui, ou peut-être ont-elles été enroulées dans des bottes de paille en partance pour quelque château maudit où leurs chairs seront rôties.
Il reste un arbre, un marcheur des confins, une tête d’épingle à se planter dans les pieds.

©Simon Vansteenwinckel & Manu Jougla
Cochonnailles, chienneries de vie, silos à grains du désespoir.
Photographie-moi mon ami que je disparaisse enfin dans ton boîtier cannibale en ce pays où vivent encore les dinosaures menaçants.
Ne pas chercher à se retourner, regardez les dernières sorcières droit dans les yeux, se pendre pour se déprendre d’une existence asphyxiée.
Une Suze pour ma suzeraine.
Un rayon de soleil pour mon esprit tordu.
Une gueule de vache pour m’aimer.
Un bûcheron s’approche, tâte un peu votre cou, vous embrasse sur la bouche, et vous coupe le chef comme on appuie sur le déclencheur.
Doppelgänger ne ressemble qu’à eux, Simon-Manu, deux bêtes féroces conduisant avec douceur des camions boueux dans les territoires souvent bien trop policés de la photographie décharnée.

Simon Vansteenwinckel & Manu Jougla, Doppelgänger, graphic design Simon Vansteenwinckel, Editions Le Mulet, 2024 – 400 exemplaires

https://www.lemulet.com/edition/doppelganger/
