Gangsta, money power respect, par Souhayl A, photographe

©Souhayl A

« Gangsta. Il s’agit d’un groupe d’individus organisé en structure pyramidale sur le même modèle que la mafia. Ses membres font allégeance à un chef à la vie à la mort pour maintenir avant tout un pouvoir sur leurs sujets et défendre un territoire délimité qu’ils autoproclament le leur. » (Souhayl A)

J’aurais bien aimé que l’auteur de Gangs, Pigalle et Burning Man ’98, le terriblement humain Yan Morvan, voie Gangsta Dating Story, de Souhayl A, et qu’on puisse en discuter tranquillement en buvant une bouteille de vin de rouge, par exemple au Rosebud  à Paris, lieu de toutes les confidences, et des plaisirs du mentir-vrai, où nous avions nos habitudes.  

Impeccablement édité par les éditions Loco – images pleines pages sur papier glacé et noirs profonds, ponctuation de feuilles jaunes, marquage à chaud (or) sur la couverture imitation peau de crocodile -, cet ouvrage établit, dans une dimension immersive, le portrait sans concession d’un des gangs les plus violents au monde, dit la légende, Sex Money & Murder.

Violent, certes, mais appartenant au fond à la pop culture et aux logiques des représentations dominantes.

©Souhayl A

La vulgarité n’est surtout pas gommée, ni la dimension aguicheuse des corps suintant de sensualité brute, ni les dollars pleuvant dans la nuit, ni les armes à feu prêtes à bander à la moindre occasion.

Nous sommes en Floride, la fièvre est black, cubaine, née du chaudron plutonien des pulsions.    

Corps tatoués, caleçons Ralph Lauren dépassant du froc, dreadlocks caressant les pectoraux non loin du visage de la vierge Marie, tout est rentable au pays où sur les billets verts sont imprimés le fameux et ambigu In God we trust.

Nous croyons aux salles de musculation.

©Souhayl A

Nous croyons aux seins ronds et aux robes transparentes, aux talons aiguilles et aux strings, aux faux ongles et à la pornographie.

Nous croyons aux mâles dominants et aux salopes femelles.

Nous croyons aux lunettes de soleil et aux dents en or massif.

Nous croyons aux voitures décapotables et aux drogues dures.  

Nous croyons à la violence, parce que la vie est violente.

Nous croyons aux clébards rendus féroces et débiles, comme des porte-clés ou un bijou sonore, mais en plus dangereux.

©Souhayl A

Le sang coule parce que les peaux sont noires, parce que la pauvreté endémique, parce que le crack.

Souhayl A photographie la mise en scène des corps criminalisés se criminalisant en un rire de démon.

Plaisir de l’exhibition, plaisir d’effrayer le bourgeois tout en l’épatant, plaisir d’appuyer s’il le faut sur la gâchette du Beretta.

Couteau, scarifications, blessures apparentes.

Montres de luxe, bagouses, cigares.

Boissons sucrées, police blanche, menottes argentées.

Comédie, gravité des faits, zonzon.

Fesses bombées, lèvres botoxées, zguègues prêts à l’emploi.

©Souhayl A

Quelques titres à rapper, baby : Laws Jungle, Anonymous, Nigga, Blood Throat, Funerals Down, Hands Kids, Murder, Disappear, Cut Scarfe, Heat, Smoke, Loyalty Ass.

Yan Morvan n’a pas vu ce livre, mais il est certain que Franck Landron et Jean-Christophe Béchet si.

Dans son texte formidable, Souhayl A écrit : « Le niveau de misogynie est tel dans le Gangsta Rap qu’on parle de putophobie ou du slutshaming. »

Allez-y voir, c’est fascinant, presque drôle, désolant, et revigorant comme une boisson énergisante mélangée à des amphétamines.

Souhayl A, Gangsta Dating Story, direction éditoriale Eric Cez et Anne Zweilbaum, design graphique Lola Halifa-Legrand, Editions Loco, 2024

https://www.souhayla.com/

https://www.editionsloco.com/livre/gangsta-dating-story/

https://www.leslibraires.fr/livre/23331941-gangsta-dating-story-a-souhayl-loco?affiliate=intervalle

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