Chine, persistance de la tradition, par Christopher Taylor, photographe

©Christopher Taylor

« D’habitude, j’essaie d’éviter l’anonymat des grandes villes en Chine, préférant les bourgs à l’échelle humaine d’où la campagne est plus accessible. Dans de tels endroits, les valeurs traditionnelles qui m’intéressent survivent plus facilement sous une forme sans fard. La simplicité de mon appareil photo analogique désuet semble un outil approprié pour repérer des formes ou des scènes simples à travers lesquelles je tente d’impliquer un sens caché, en accord avec le fil de mes pensées. » (Christopher Taylor)

Ayant voyagé à de multiples reprises en Chine pendant plus de trente ans, le Britannique Christopher Taylor ne s’intéresse pas directement, comme tant d’autres artistes et contempteurs aujourd’hui, aux ravages du capitalisme d’Etat, mais à ce qui persiste d’un pays attaché à ses traditions et à la dimension d’énergie qui le traverse.

©Christopher Taylor

Il y a dans son corpus d’images rassemblées en un livre, La Voie du milieu, Reflets de la Chine (1988-2019), une beauté atemporelle, que préservent de la corruption les noirs et blancs parfois charbonneux.

S’il s’agit de documenter un territoire tel qu’il est, multiple, étonnant, populaire, grandiose, le photographe cherche surtout à en révéler la dimension poétique, quelle que soit la situation : foules, campagnes, constructions diverses, temples, habitats, routes, isolats humains. 

Par ses portraits, natures mortes et paysages, urbains ou naturels, Christophe Taylor offre de la Chine une vision mesurée, entre paix et sensation de solitude, voire de destruction, certes rarement montrée directement : c’est la voie du milieu.

©Christopher Taylor

Carnet de voyage d’un exote ayant probablement lu Victor Segalen, l’ouvrage Reflets de la Chine, comportant cent trente photographies et textes, témoigne de l’enchantement d’un voyageur pour un pays parcouru en tous sens, enthousiasme tempéré cependant par une conscience des difficultés existentielles, plus ontologiques que politiques ou sociales.

Bois anciens, haut-parleurs, mahjong.

Bouddha étêté, gorges de montagne, poudre du temps.

©Christopher Taylor

Travaillant au moyen format, Christopher Taylor perçoit dans ses itinéraires chinois, généralement du côté du monde rural – jusqu’aux marches du Tibet -, à la fois la beauté de l’éphémère et la concorde d’un peuple partageant, malgré les transformations violentes affectant quelquefois les lieux, une sorte de spiritualité commune, disons le taoïsme, soit la conscience intuitive de l’unité multiple parfaite.

« Les occasions les plus mémorables, écrit le pérégrin, ont été le fruit de nombreuses balades en campagne, quittant les rues pour les champs ouverts. Ces excursions étaient d’autant plus productives qu’aucun objectif n’était fixé ou atteint. Simplement je marchais, sans attentes, dans la direction qui me paraissait la plus prometteuse. A chaque rencontre ou découverte fortuite, les décisions étaient prises à volonté, laissant l’esprit libre de vagabonder. »

Neige, toits de tuile d’un ensemble religieux, fleur de lotus.

Séchage de nouilles, gargote, néons de la grande ville.  

Bassin du fleuve Jaune, automne, murs de briques.

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L’impression est à la fois celle d’une culture millénaire imprégnant gestes et pratiques des ouvriers et des paysans, mais aussi celle d’une quête intérieure de la part du photographe, le portrait d’un ermite évoquant la fécondité d’une vie ascétique.

Picturalité, piété, outils de bâtisseurs.

Marchés, poissons, vie modeste.

Sentiers, terre béante, feu.

©Christopher Taylor

L’élément majeur de La Voie du milieu est probablement la pierre ou le minéral, soit un temps géologique long, un cadre général à peu près fixe où la vie peut couler, et se réinventer.

La fête est finie, elle commence, tout se transforme pour que rien ne change, le sacré n’étant pas dépendant de la mutabilité.

« Des efforts considérables en Chine, poursuit le promeneur à l’objectif décisif, sont actuellement déployés pour récupérer les trésors culturels du pays, dispersés ou volés au cours des années chaotiques de la fin de la dynastie Qing et de la guerre civile qui l’a suivie. Le raffinement sublime de la pensée chinoise ancienne, tel qu’il est exprimé dans l’art de ce pays, conserve une immense puissance symbolique, malgré la réalité terne de la vie quotidienne. »  

©Christopher Taylor

Ce trésor culturel est actuellement visible chez Didier Brousse, à Paris, à la galerie Camera Obscura.

Demandez-lui aussi de vous montrer les photographies de Chine d’Eric Dessert, notamment ses portraits de petit format, elles sont fabuleuses.

Christopher Taylor, La Voie du milieu, Reflets de la Chine (1988-2019), textes de Christopher Taylor et Monica Dematté, conception graphique Katla Taylor, Editions Noires Terres, 2024, 222 pages

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https://www.noires-terres-direct.com/

Exposition à la galerie Camera Obscura (Paris), du 15 novembre 2024 au 11 janvier 2025 – vernissage en présence de l’artiste jeudi 14 novembre à 17h

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https://www.galeriecameraobscura.fr/artistes/taylor/artist_main_index.html

©Christopher Taylor

https://www.leslibraires.fr/livre/23587798-la-voie-du-milieu-reflets-de-la-chine-1988-2019–christopher-taylor-noires-terres?affiliate=intervalle

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