
©Kicki Lundgren
« Ici, en Suède on pose une couverture sur le sol avant de s’asseoir. Dans le petit village de montagne du Kurdistan, on s’allonge directement sur le sol quand on a besoin de se reposer, dans l’odeur de l’origan et du thym. » (Kicki Lundgren)
Memories from the farways mountains est un livre puissant, très touchant, magnifiquement composé.
C’est un hommage au peuple kurde, aux paysans et paysannes, à la résistance quotidienne d’une population vivant dans des conditions de vie précaire, à l’accueil inconditionnel, aux enfants.

©Kicki Lundgren
Prises entre 1991 et 2007 dans différents villages du nord du Kurdistan, les photographies en noir et blanc de ce livre à la couverture cartonnée très épaisse – comme un socle – sont de l’ordre du document, mais, bien davantage encore, ce sont des moments de poésie, et même, osons le mot avec Barbara Pola et Véronique Caye, « d’érotisme existentiel » – lire leur manifeste publié récemment chez BSN Press.
En découvrant le Kurdistan, l’auteure a pensé à la vie de ses grands-parents dans la Suède rurale : des modes de vie pas si dissemblables, le manque d’eau et d’électricité, la proximité avec la nature, l’omniprésence des animaux., la simplicité imposée mais accordée avec l’environnement.

©Kicki Lundgren
Kicki Lundgren photographie un couple heureux jouant avec une brosse à cheveux.
Une vieille dame en tenue traditionnelle en train de se reposer.
Un enfant qui dort, délicatement bordé d’une couverture épaisse.
Des adolescents et des hommes se tenant par l’épaule.
Une femme couchée sur l’herbe se tenant le visage, ridé, en regardant fixement l’objectif.
Des garçons qui s’amusent.

©Kicki Lundgren
Contenant essentiellement des portraits, Memories from the farways mountains ne masque pas la pauvreté, mais choisit plutôt de contempler longuement la beauté des visages, l’irréductibilité des corps, leur force, leur ancrage dans une temporalité longue.
Le noir frange les images, mais il n’est pas mortuaire ou morbide, il est comme du khôl, une marque de délicatesse entourant les yeux.
Mieux voir, se protéger, être regardé-e.

©Kicki Lundgren
Les femmes, de tous âges, sont particulièrement représentées : fières, nobles, parfois inquiètes, solidaires, profondément là.
Pour être capable de recevoir le cadeau de telles présences, il faut avoir indubitablement le cœur large, ouvert, disponible.
Un mariage se prépare, un rite, une fête.
On peut faire l’analyse de la façon dont nous, contemporains d’une occidentalisation toxique, nous sommes construits, ou mal déconstruits, mais, face aux êtres qu’a rencontrés Kicki Lundgren dans le Kurdistan, nous paraissons des moribonds.

Kicki Lundgren, Memories from the farways mountains, graphic design and production Patrick Leo, 2024

©Kicki Lundgren
https://www.kickilundgren.com/kurdistan

©Kicki Lundgren