Prendre soin d’un ruisseau, par Jérôme Blin et Gaëtan Chevier, photographes

©Jérôme Blin & Gaëtan Chevrier

« Pour que vive la rivière. Patiemment, quelques humains opèrent. » (Jérémy Gouellon et Marie Le Douaran)

Jérôme Blin et Gaëtan Chevrier sont des adeptes d’une esthétique sobre, qui fait toute la valeur de leur travail.

Pas de tonitruance, rien de choquant, mais un acte politico-éthique engagé dans une forme artistique, à bas bruit, discrètement, délicatement.

©Jérôme Blin & Gaëtan Chevrier

La Source, fruit d’une résidence ayant eu lieu sur le territoire de Châteaubriant-Derval, observe précisément le travail de techniciens et techniciennes remplissant une mission de préservation des rivières, quand l’enfrichement excessif des rives, les tempêtes ou autres aléas climatiques, mais aussi l’agriculture dans sa puissance de rationalisation et d’altération des milieux ont quelquefois déstabilisé la relation de l’eau avec la terre.

« Il est temps maintenant, écrivent dans leur préface éclairante Jérémy Gouellon et Marie Le Douaran, de refaçonner la planète, de retracer des sinusoïdes, de suivre la topographie et le bon sens. Effacer des erreurs, ôter l’artificialisation, rendre des fonctions. »

©Jérôme Blin & Gaëtan Chevrier

Composé d’images pleines pages finement bordurées de blanc, La Source engage son spectateur, en des images de très belles nuances de gris, dans le lit d’un cours d’eau simple et beau.

Il y a des branchages tombés, des cailloux, et toute un invisible produisant des bulles de vie.

Les techniciens prennent le temps, soignent chaque parcelle, accomplissent un travail minutieux – quelques kilomètres par an, pas plus.

En cela, les photographies de Jérôme Blin et Gaëtan Chevrier donnent le sentiment d’une décélération, comme une façon de se placer de nouveau dans un cycle temporel à la fois lent et fécond.

©Jérôme Blin & Gaëtan Chevrier

Les paysages sont d’une majesté renoirienne, silencieux, propices à l’introspection pour qui décide de les contempler vraiment.

Ce pourraient être quelquefois des natures mortes, tellement vivantes.

On voit des instruments de mesure, les objets d’une science sans sophistication excessive, et une main ouverte accueillant un alevin.

©Jérôme Blin & Gaëtan Chevrier

Au centre du livre humblement agrafé, sur un cahier de plus petit format, se trouve un herbier : qu’y a-t-il de plus vrai et finalement inconnu que l’empreinte de ces tiges et feuilles formant un mémorial modeste ?

La Source fait du bien, nous inventant à nous placer de nouveau au contact de plus grand que nous.

Il y a de la gratitude ici envers ce qui nous irrigue intimement, un souffle, une eau, une végétation témoignant de la gratuité formidable et originelle du vivant.

Comme un don.