Aux pointes du jour, par Dominique Laugé, photographe

©Dominique Laugé

« S’inscrivant dans la lignée de Weston et de Stieglitz, en fervent défenseur du noir et blanc, Dominique Laugé pousse à l’extrême la recherche de la précision et la maîtrise de la lumière. » (Jean-Luc Monterosso)

Selon les hindouistes, et les théosophes, l’aube comme le crépuscule possèdent une énergie spéciale, transmise par les esprits de la nature appelés les dévas.

Ce sont des êtres d’une beauté remarquable, protégés par un halo de lumière éblouissant.

©Dominique Laugé

En photographiant ces minutes où le jour bascule, ou point, Dominique Laugé a cherché à percevoir ces formes qui échappent à la pleine clarté, non certes pas les dévas, mais ce trouble dans le visible où tout semble sur le bord de la transfiguration.

Publié avec grâce par les éditions Odyssée, Aubes et Crépuscules, ouvrage ponctué de papiers transparents sur lesquels flottent quelques phrases inspirées de Dimitri Bortnikov, témoigne de ces moments mystérieux, très troublants, intimement renversants, où tout hésite encore, entre apparition et disparition. 

Un voile se déchire, ou se pose, tout tremble un peu, la respiration se modifie, il y a de la solennité.

©Dominique Laugé

Les valeurs de gris, auxquelles l’artiste est très attentif, tirant ses images avec maestria selon le procédé au charbon appelé Piezography, conduisent le spectateur vers les rives de l’introspection.

On a les yeux bien ouverts, on chute dans l’image, elle nous inclut.

La nature semble dessinée au fusain, tout est de puissance délicate, ou de délicatesse puissante.   

En ces nocturnes imprimés sur papier épais, nous ne voyons pas que des arbres, des ciels ou des eaux, mais des entités ayant en quelque sorte leur vie autonome.

©Dominique Laugé

Héritier des peintres paysagistes, l’actuel directeur du centre pour la photographie de Gaillac (Château de l’Hom) explore par le truchement du médium tant décrié par Baudelaire une nouvelle manière d’entrer en contact avec les lieux, leur géométrie particulière, leur matière, leur esprit. 

Il y a des levées de brumes, un silence ouaté, une profondeur de présence.

On ne distingue pas tout, l’œil doit s’acclimater, il faut percevoir avec son intériorité.

Ces aubes et crépuscules sont aux seuils des songes, des contes, des légendes.

Tout est calme, en ordre, il ne faut rien déranger : loups, ogres et autres êtres malicieux veillent.

©Dominique Laugé

Tout s’enfuit et tout se recrée, la nature que photographie Dominique Laugé est souveraine.

Tout dialogue dans une langue très belle, mais inconnue.

Lignes d’horizons, verticales des arbres, moires des étendues liquides.

« Vers le crépuscule de la montagne, énonce Dimitri Bortnikov devenu moine zen. / Les vagues se répètent, les montagnes – jamais. / Tout ce qui se meut – se répète. / L’immobile ne se répète jamais. »

Une route serpentine, présage d’une autre réalité, comme chez David Lynch, ou Odilon Redon.

On écoute des bruissements, on se perd sans s’égarer, on s’accroche à la lune.

©Dominique Laugé

Aucune grandiloquence, rien de spectaculaire, si ce n’est le spectacle grandiose du vivant dans toute sa majesté, sa logique, son indifférence sereine aux petitesses d’hommes.

La pérégrin Arthur Rimbaud écrit dans Les Illuminations : « J’ai embrassé l’aube d’été. »

Souhaitons-nous chaque jour de telles épousailles.

Dominique Laugé, Aubes et Crépuscules, avant-propos de Maryvonne de Saint Pulgent, préface de Jean-Luc Monterosso, texte Dimitri Bortnikov, direction éditoriale Gilles Cargueray & Camille Gallet, photogravure Christophe Boënnec, Editions Odyssée, 2024 – 800 exemplaires, dont 30 exemplaires signés et numérotés

http://www.dominiquelauge.com/

https://www.editionsodyssee.com/aubesetcrpuscules

Ouvrage ayant reçu le soutien d’Occitanie Livre

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