
©Tereza Uzeda
Les yeux, le ciel est un fleuve, où flottent des images noires et griffées, des formes étranges, des fragments de corps, des pointes lumineuses.
Simplement relié par une grosse ficelle de crin, cet ouvrage épais, publié à un très petit nombre d’exemplaires, est composé de vagues.
Flux et reflux des marées, ressac, paysages psychiques.
Que voit-on dans l’estran, une fois que la mer s’est retirée et que l’écume d’où naissent les dieux s’est éloignée ?

©Tereza Uzeda
Un naufragé debout, nuque bien rasée, chair à aimer.
Torse nu parcouru par le sillon des poils, faîte de palmiers vus en contre-plongée : ainsi se découvre le livre de Tereza Uzeda, dans l’inventivité de ses diptyques.
Le regard est proche, voire très proche de la peau des sujets représentés, la poétique générale de l’artiste relevant d’une approche haptique de la réalité.
Des indices, de l’androgynie primordiale, des châteaux de sable pour des enfants grandis trop vite.
Le chat voit-il notre mélancolie ?

©Tereza Uzeda
Ne dédaignant pas les signes de la mode, Les yeux, le ciel interroge les chemins de désir, entre traces anthropomorphiques, matières minérales et végétales, présences fantomales.
Tout parle, le morceau de ciment arraché dévoilant un visage, un bout de ruban abandonné sur le sol, une fenêtre donnant sur l’horizon marin.
Les cercles chantent, et les étincelles de givre, et les gouttelettes perlant sur la vitre de la cabine de douche.
L’objectif de Tereza Uzeda effleure des dos nus, des miroirs, des voilages.
Marches élimées d’un escalier, papier peint sur les murs d’une pièce vide, progression des ombres.

©Tereza Uzeda
Le silence règne, qui est celui du royaume intérieur d’une photographe glissant de façon un peu stupéfaite sur les parois d’un monde à la fois ouvert et cadenassé de l’intérieur.
Yeux fermés, émulsions diverses, âpretés pariétales.
Des images, recadrées ou non, sont parfois reprises, la récurrence valant rémanence mentale, comme le retour des pièces d’un alphabet inconscient s’imposant à l’artiste.
Nous sommes dans le domaine des métamorphoses, un homme devenant femme peut-être, ou brouillant les polarités, ou autre chose encore.
Nous voyons des scènes, des pans de réalité coupée, la structure interne d’un rêve.
Les yeux, le ciel se voyage, comme une tentative de sortir de soi par le truchement de ce qui nous fait face, graffiti, feuillages ou canari.
Ce que nous contemplons est le reflet de notre énigme intime observée dans sa surprenante géographie.

©Tereza Uzeda
Tereza Uzeda, Les yeux, le ciel, dessin de couverture Arsène, édition et maquette Tereza Uzeda & Patrick Maille, 2023 – 30 exemplaires