
©Silvère Jarrosson
« Le pigment noir me rappelle ces garçons inattendus chez qui naît une grande douceur, après la dureté des premiers gestes. » (Silvère Jarrosson)
Je ne connais pas l’œuvre peint – lithographies, monotypes, peintures sur toile et papier – de Silvère Jarrosson, que Colin Lemoine me fait découvrir par le texte Vers l’image manquante.
Dans ce texte d’inspiration beckiettienne, et novarinienne – sur l’innommable, et la parole de vérité comme invocation -, l’écrivain donne à voir le jamais-vu.
Parole muette, figée, bruissante, éloquente, la peinture s’offre à l’écriture, qui la rate forcément en la renouvellant.

©Silvère Jarrosson
Pour aller vers ses mystères, rien de mieux actuellement que les textes de Yannick Haenel, Stéphane Lambert, Yannick Mercoyrol et Colin Lemoine, chez qui la langue est un feu de plus en plus puissant.
J’approche donc Silvère Jarrosson par les mots de qui cherche moins à en épuiser les secrets qu’à dialoguer avec lui de poétique à poétique, d’abîme à abîme, de manque à manque.
Se heurter à l’impossible, quoi de mieux ?
Aller vers l’inconnu par la justesse de tous les sens en éveil.
Colin Lemoine emploie les termes de la géographie (adrec, ubac, jusant, coupe longitudinale…) pour exprimer le continent des gestes dansés du peintre, engageant des profusions de paréidolies.

©Silvère Jarrosson
Ecoutons-le : Ces toiles, ces monotypes et ces lithographies sont comme des peaux, comme des mers d’huile, comme des estuaires d’encre, comme des étoffes froncées, comme des geysers, comme des polders, comme des halos, comme des migraines, comme des jouissances, comme le smog de Londres quand rien ne déchire le jour, comme des pollutions nocturnes, comme la macula sur l’œil, comme les ulcérations de l’âme et du corps, comme une huître de Chardin, comme une pulvérisation par Hartung, comme lart qui dans le ciel survient après l’averse, comme l’averse qui charrie de la boue et de la lumière, comme les ecchymoses, comme des palimpsestes qui provent que la beauté se contrefout d’être décrite ou reconnue, que la langue est pulsion et pulsation car – sublime fulgurance de Valère Novarina – la parole ne nomme pas, elle appelle. »
Silvère Jarrosson parle quant à lui de plis, forts et faibles, de noir brutal, de nœuds et d’image dérobée.
Le peintre : « Je peins, et l’image se dérobe. Je peins pour l’empêcher de se dérober. Pour courir après l’image manquante. »

©Silvère Jarrosson
On peut maintenant rêver à une exposition faisant converser les œuvres de Silvère Jarrosson et de Jérémie Lenoir, photographe et peintre.
Mais qui organisera cette rencontre absolue ?
Et qui l’écrira ?

Silvère Jarrosson/Colin Lemoine, Vers l’image manquante, conception gaphique Celeste Edwards, coordination éditoriale Simon Galvani et Victor Nexon, éditions Janninck, 2025, 80 pages
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©Silvère Jarrosson
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