Islande, entrer en paysage, par Hervé Jézéquel, photographe

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©Hervé Jézéquel

« Ici est la Terre en son infinie et majestueuse austérité, souvent violente et hostile pour l’homme. C’est un ailleurs, à ciel ouvert, sur l’ossature de la terre. Là se façonnent des volumes rugueux, acérés ou fragiles. Là se dessinent à la surface, des traces, des empreintes et des signes de toutes natures. La glace et les courants tumultueux s’écoulent des sommets pour se répandre en ses creux où s’accumulent mares de boues brunâtres, grisâtres ou verdâtres, chargées de terres profondes et de scories volcaniques. » (Hervé Jézéquel)

En Islande, Hervé Jézéquel rencontre plus qu’un pays de glace, de pierre, de feu, mais un monde premier, une glaise originelle, de l’Eros primordial.

De la poésie, en ce qu’elle est de la création fondamentale, ce dont rend compte le livre sur la merveille des paysages génésiques, Materia Prima, publié par les éditions L’Atelier des Brisants.

©Hervé Jézéquel

Il y a d’abord un égarement, une perte de repères face au sublime du chaosmos (Kenneth White), puis une façon de comprendre, de percevoir des lignes, des organisations formelles, et de cadrer.

Il n’est nul besoin de relier L’Etre et le Néant, de Jean-Paul Sartre, pour comprendre que toute création s’édifie sur une destruction, et qu’il y a en cela dialectique permanente.

Inspiré par des récits de la mythologie nordique, Hervé Jézéquel écrit avec autant de précision qu’il photographie.

Voici un deuxième extrait d’un texte très beau où l’artiste déplie sa poétique : « En alchimie, la materia prima est une nature à l’état primordial ad originem ayant un potentiel de transformation tant du point de vue matériel, philosophique que spirituel. Bien que considéré parfois comme passive et inerte, elle ouvre sur un monde de possibilités et de formes. C’est aussi un substrat qui par nature se situe « en bas ou en dessous », mais c’est plus exactement un « en soi ». Les images de Materia prima évoquent cette idée sur un plan physique comme individuel. »

©Hervé Jézéquel

Il y a de la voyance dans l’air, tout parle, s’apprête à parler, à s’animer devant le regardeur.

Le vent, la vague, la roche, l’herbe rase.

Hervé Jézéquel pratique la photographie analogique comme l’alchimiste opère son grand œuvre de transformation intérieure.

Il convient de comprendre que ce que nous croyons être une extériorité, disons un paysage, est le reflet de notre structure intime, son bouillonnement, sa géographie.

En confrontant son corps à l’intense nature islandaise, le promeneur attentif aux mystères cherche un état de présence supérieure, un autre régime d’être et de vérité.

©Hervé Jézéquel

Le temps lui-même mute : Chronos disparaît, laissant place à une dimension bien plus éternelle.

Les visions au Hasselblad 6x6cm d’Hervé Jézéquel sont austères et polychromes, ouvrant chaque fois un espace de contemplation qui est un territoire de méditation.

Des elfes ou créatures souterraines pourraient apparaître, d’ailleurs, si vous regardez bien, elles sont là.

On pense quelquefois aux structures naturelles telles que photographiées du ciel par Jérémie Lenoir, ce sont des boues brunâtres, épaisses et caillouteuses.

Des peaux pleines de bubons prêts à éclater.

©Hervé Jézéquel

Des vagues de terres liquides et épaisses.

Des geysers bleuâtres.

Des neiges pigmentées de pointes végétales.

Des crevasses, des failles, des entailles.

Des lichens, des mousses, des chaos rocheux.

Il y a du fantastique ici, du magique, et cet effroi romantique face à l’incommensurable.

©Hervé Jézéquel

Le sol pourrait s’effondrer, le corps est mis à l’épreuve, mais aussi l’esprit.

Le micro est macro, le mental grandit et s’amenuit.

Materia Prima est une expérience d’ascèse dans l’effort de la marche, une découverte de la nature laiteuse d’une île-monde, comme un bain spermatique originel.

Au commencement était le verbe, mais aussi le silence fracassant de l’indicible.   

Hervé Jézéquel, Materia Prima, textes (français/anglais) Françoise Paviot et Violaine Sautter, conception graphique Hervé Jézéquel et Paul Demare, photogravure Philippe Guilvard,  Editions L’Atelier des Brisants, 2024 – 500 exemplaires

https://www.editions-atelierdesbrisants.com/

©Hervé Jézéquel

https://hervejezequel.com/

Exposition à la galerie Island (Morlaix) – été 2025

https://galerieisland.com/?srsltid=AfmBOopOiS7qYvqMoV-ta37HGdm-4ILqHkRiV4riHnavb7BulkeX09Az

https://www.editions-creaphis.com/fr/catalogue/view/1238/surtsey/?of=8

https://www.leslibraires.fr/livre/24231660-materia-prima-jezequel-paviot-brisants

https://www.leslibraires.fr/livre/16226833-surtsey-la-forme-d-une-ile-herve-jezequel-vanessa-doutreleau-creaphis?affiliate=intervalle

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