Le désert croît, par Stefano Cerio, photographe

©Stefano Cerio

« Là où croît le désert, croît aussi ce qui sauve. » (Friedrich Hölderlin)

Brenva, de Stefano Cerio, est un livre sur l’oubli, sur la disparition, sur l’effacement.

Le cirque glaciaire de Brenva est l’une des merveilles du Val d’Aoste, cependant menacé par le réchauffement climatique.

Il disparaît à vue d’œil, il ne restera bientôt plus de lui que des témoignages oraux, des marques géologiques, et des photographies.

Si à l’instar de la photographe française Aurore Bagarry, Stefano Cerio documente un bouleversement du paysage, ses images faites à la chambre ne sont pas seulement de portée écologique immédiate.

Elles métaphorisent l’époque entière dans laquelle nous vivons ou subsistons, soumise à des changements majeurs menant à la destruction de notre habitat premier.

Tout paraît calme, mais tout est dramatique, silencieux mais résonnant du fracas assourdissant des géants de la montagne en cours d’effondrement.  

©Stefano Cerio

Par ses vues impeccables, Stefano Cerio fait certes œuvre d’historien glaciologue, mais se rattache bien entendu aussi à la perception romantique des espaces absolus.

L’humain est là, par l’effet de sa déraison et de son irrespect envers la terre-mère, mais aussi par les structures anthropiques occupant le paysage, comme une monstruosité de plus alors que le gris désolant des roches et pierriers découverts prend le pas sur le blanc de la neige.

Sentiment de solitude, de déréliction et d’étrangeté.

©Stefano Cerio

Qu’est-ce que cette vertèbre gonflable au bas de l’image ?

Que nous indique son bleu ?

Faut-il comprendre le dérisoire d’un objet faisant face à l’immensité prête à s’écrouler sur lui ?

Que pourra-t-il retenir quand l’écroulement aura pris des proportions vertigineuses ?

Que vaut une installation artistique face à la force métamorphique des éléments déchaînés ?

©Stefano Cerio

Stefano Cerio expose, dans une démarche plasticienne, notre devenir alien, notre propre transformation en objets de peu, de rien.

Les bouquetins eux-mêmes paraissent dans son regard des artefacts.

La virtualité se mêle à la catastrophe naturelle, la renforce, l’accélère.

Il y a pourtant encore, pour qui sait voir par-delà la déchirure des espaces retournant au désert, la merveille des derniers cristaux, les lueurs des derniers soleils, la chromie fascinante des hauts territoires.

Le défiguration croît, c’est indubitable, mais Stefano Cerio , par les plantes, petits végétaux et champignons qu’il se plaît à montrer, parie encore sur la vie nouvelle.

Vita nova, chers amis, comme disait son illustre devancier.    

Stefano Cerio, Brenva, textes Stefano Chiodi et Riccardo Venturi, et Quodlibet (Macerata, Italie), 2025, 72 pages

https://www.quodlibet.it/libro/9788822924308

https://cerio.it/

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