
©Hannah Modigh
La vie est un fleuve aux multiples branches se jetant dans une mer qu’on appelle naissance, ou mort.
La forme triangulaire du delta évoque celle d’un pubis, de la zone des organes créateurs, c’est un foyer d’invention.
Il n’y a rien à séparer, mais tout à célébrer.
Il n’y a pas de reste, tout est charrié, les alluvions participent de la symphonie du vivant.
La Suédoise Hannah Modigh a pensé son livre Delta comme un hymne à ce qui est, à ce qui vient, à ce qui est advenu.

©Hannah Modigh
Le format est vertical, la couverture, gravée, superbe, donne l’apparence du bois – l’éditeur Pierre Bessard est à la manœuvre.
Delta est un radeau, un esquif recueillant les fragments d’une existence abordée dans son entièreté.
Les photographies, généralement de taille modeste, sont en noir & blanc et couleurs : pas de grandiloquence, mais de la pudeur, de nobles sentiments, de la délicatesse.
C’est un enfant découvrant une créature marine.
Un arbre soutenu par un étai.
Un ponton branlant où se regroupe une famille.

©Hannah Modigh
On navigue avec Hannah Modigh dans un royaume où la présence de l’outre-monde est palpable.
Chambre d’hôpital, fumée de crémation, comme sur les bords du Gange, vallée profonde évoquant peut-être le Shangri-la tibétain.
Il y a une nuée, présence de quelque divinité, des tombes, et une femme enceinte dont le giron et les seins louds de lait sont ensoleillés.
Une grand-mère se meurt, à qui l’on tient la main, la lumière décroît, puis apparaît de nouveau, ailleurs, plus loin, identique et renouvelée.
Des chaises nous attendent, un petit-déjeuner, un jardin zen.

©Hannah Modigh
Delta est une œuvre de dimension méditative.
C’est un très doux memento mori, l’effroi est pour la société du spectacle, pas pour l’artiste qui est une voyageuse du temps attachée au plus simple.
Les espaces sont disparates, circumterrestres, mais la sensation est la même quel que soit l’endroit : une perception de la juste distance, de la ligne mince séparant la réalité de la surréalité ordinaire, de la précarité mais aussi de la puissance de toute chose.
Les enfants peuplent Delta, mais aussi les végétaux, et toutes les présences aimées, familières ou non.

©Hannah Modigh
Une chienne allaite ses chiots en regardant la regardeuse, qui regardait, page précédente, des chutes vertigineuses.
Déambulateur et paume ouverte.
Cairn dérisoire et tapis de feuilles.
Prière à l’église et corps parturient.
Tout est beau chez Hannah Modigh, parce que tout est transfiguré, porteur d’une lumière qui est une marque de l’au-delà, de la vibration intime de l’univers.

©Hannah Modigh
Une femme est morte, étendue sur son lit.
Sa petite-fille photographe l’accompagne à sa façon, se tenant nue debout devant elle, prête à accoucher.
La vie est merveilleuse, non ?

Hannah Modigh, Delta, texte Hakan Wahlquist, graphic design Hannah Modigh & Cyrielle Molard, Editions Bessard, 2019 – 500 exemplaires numérotés comprenant une photographie signée
https://editionsbessard.com/product/delta-limited-edition-500-copies-signed-c-print/
