
« En ce temps-là, le plomb avait été changé en plastique. »
On ne sait pas toujours d’où vient notre élan d’écriture.
On peine à le déterminer, on ne sait rien, mais, au fond, on en a l’intuition.
Ce peut être le livre oublié d’un ancêtre, qu’on ne lit plus, mais agissant en secret comme le foyer incandescent de notre désir.
Lorsqu’il était écolier, Jérôme Prieur collectionnait les figures de soldats à peindre que l’on trouvait dans les boîtes de nourriture ou de consommation courante bon marché.
Sur le sentier de la guerre, récit aussi bref qu’il est savoureux, se lisant d’une traite, comme on échappe d’un coup aux turpitudes du contemporain, relate cette passion.
Edité sur beau papier à la trame épaisse par les éditions La Pionnière, ce récit prenant la forme d’une autobiographie mène, par un chemin auquel on ne s’attend pas, au mystère d’une vocation.
Ce livre paraissant à l’occasion de l’hommage à Jérôme Prieur rendu du 16 au 22 juin par la BnF, le Mémorial de la Shoah, le Musée d’Art et d’Histoire du judaïsme et la Cinémathèque Française, n’est donc pas qu’une histoire de petit soldat, même si, sans naïveté aucune, l’écrivain a compris avec Héraclite que Polemos est père de toutes choses.
En peignant ses personnages, l’enfant imagine ce qu’a pu être la Première Guerre mondiale.
Le futur auteur de La moustache du soldat inconnu (Seuil, 2018) se souvient, apprend, entre dans l’Histoire.
Clémenceau, Poincaré, Joffre, Foch, Gallieni, Gouraud, Lyautey, Pétain sont là, ressuscités.
« Grâce à la recrudescence de la consommation de café par mes parents, qui pratiquaient pourtant la chicorée au petit déjeuner, j’obtins au moins en trois exemplaires le soldat nommé ‘Présentez armes’. »
Réunissant une bonne quantité d’ouvrages spécialisés, se rendant régulièrement dans la bibliothèque du musée de l’Armée aux Invalides, l’enfant devient phalériste, c’est-à-dire capable d’identifier les décorations que portaient les généraux et les personnages célèbres.
Le petit collectionneur se met écrire, entreprenant même une version abrégée du fameux livre d’Ernest Lavisse, Histoire de France contemporaine, se rendant compte bientôt qu’il manque à sa bibliographie un livre sur la vie quotidienne des poilus.
Mais, finalement, pourquoi un tel intérêt pour la guerre ?
Il se pourrait bien que la réponse réside dans un buffet fabriqué à l’aide de boiseries d’un ancien lit breton se situant dans l’appartement de ses grands-parents.
Je laisse au lecteur le soin d’en ouvrir la porte.

Jérôme Prieur, Sur le sentier de la guerre, Editions La Pionnière, 2025, 30 pages
https://www.lapionniere.com/livres/sur-le-sentier-de-la-guerre-de-jerome-prieur
