
©Régis Delacote
J’aime en photographie les gestes purs, la tension de l’acte artistique mené dans un esprit de recherche, la volonté de percer le visible avec les armes de l’intensité, qui peut être d’ailleurs celle de la délicatesse.
Livre autopublié sous couverture bleu azur, I believe there is a hole deep inside us, de Régis Delacote, témoigne d’une forme d’urgence existentielle très belle.
Comment rester vivant ? Comment rencontrer l’autre ? Comment garder en chaque image un foyer d’incandescence ? Telles sont quelques-unes des questions que pose cet ouvrage en noir & blanc et couleur.

©Régis Delacote
On plonge dans l’obscurité, c’est celle du désir, des apparitions dans la nuit, des épiphanies.
C’est un corps et visage de femme, ou de transsexuelle, que protège une chevelure noire, et dont l’ombre paraît plus mobile que la chair
Le silence règne, propice à l’introspection.
Par le travail mené sur la matière du tirage, Régis Delacote interroge la solidité même du visible.

©Régis Delacote
Ses visions sont de l’ordre du sauvetage, alors que le monde se noie.
L’ensemble touche au vif, mais certaines photographies, généralement en noir et blanc, s’imposent davantage, comme des manifestes esthétiques.
Des rais de pluie sur une voiture de guingois dans un décor urbain, à la façon d’un polar métaphysique hongkongais.
Une tête zébrée de filaments de lumière la rendant monstrueuse.

©Régis Delacote
Une femme, visage enfoui dans le col de sa veste chaude, et dont les mains blanches remontant la fermeture expriment à la fois l’éclat et, pudiquement, la volonté de retrait.
Régis Delacotte regarde des figures qui se dérobent, le jeu avec l’expérimentation de ses tirages indiquant également la précarité de toute chose.
L’électricité générale est palpable, entre solitude ontologique et plaisirs à assouvir.

©Régis Delacote
Livre au titre rock, I believe there is a hole deep inside us, qui assemble des séries réalisées les cinq dernières années, est un palais pour âmes blessées.
Les bouches crient, que la lumière rouge fait saigner.
L’humain devient un androïde, la dystopie n’est pas loin, mais l’appel de la chair rappelle que nous sommes encore vivants.
Villes asphyxiées, errances, jet lag quasi permanent.

©Régis Delacote
Régis Delacote cherche le feu dans le glas, les étincelles de survie dans les taillis asséchés des cités en proie à la glaciation.
Le corps féminin reste un point d’inaccessibilité, fascinant, troublant, aimantant.
Un regard bleu perce la désespérance, l’allègement est possible, des corps s’envolent.

©Régis Delacote
Personne n’attendait I believe there is a hole deep inside us, tant mieux, cette œuvre touchera les derniers vivants, et réveillera peut-être quelques morts.
Dieu n’est plus, jeté dans une poubelle, mais Dieu est là, chaque image le prouve, fût-elle dégradée, déchirée ou au bord de l’enténèbrement maximal.

Regis Delacote, I believe there is a hole deep inside us, texte (anglais) Giuseppe Cicozzetti, citations de Sandor Marai et Alfred Kubin, Venere Privata, 2025, 154 pages

©Régis Delacote