
©Archives Stettner, Saint-Ouen
Il y a peut-être trop d’images à l’exposition monographique Stettner ayant lieu actuellement à l’espace Vang Gogh (Arles), mais quelle joie de contempler son œuvre, qu’un Photo Poche présenté par Virginie Chardin restitue en bonne partie.
Voyageant constamment entre les Etats-Unis, notamment New York, et la France où il arrive en 1947 pour définitivement s’installer à Saint-Ouen en 1990, ce grand artiste (1922-2016) crée un pont entre la tradition de la street photography américaine et la photographie humaniste française découverte par l’intermédiaire de Willy Ronis.

©Archives Stettner, Saint-Ouen
Percer les apparences, entrer dans une zone de mystère au sein même des situations les plus quotidiennes, telle est l’ambition de Louis Stettner, sensible par ailleurs à la condition ouvrière (influence de Lewis Hine), aux droits civiques, et aux paysages ressentis comme indemnes – le Montana, le Wyoming, sa série ultime sur les Alpilles comme lieu de jouvence et de repos éternel.
Il photographie au format carré, sans se cacher, les passagers du métro new-yorkais, les compositions sont rigoureuses, ses sujets ont le visage grave.
Le cadrage est souligné par des lignes créant des fenêtres de vision, tout est limpide mais vu comme dans un rêve de dimension cinématographique – Louis Stettner s’inscrira à l’IDHEC et réalisera deux courts métrages.
On peut penser à Atget pour sa façon d’aborder les rues de Paris vides, mais aussi à Brassaï la nuit.

©Archives Stettner, Saint-Ouen
Marcher, rencontrer, photographier pour ne pas être totalement seul.
« Captivé par les passants de dos, qu’il saisit dans leur fragilité et leur mystère, écrit Virginie Chardin, il flirte parfois avec le surréalisme. »
Le FBI le surveille, il photographie des manifestants, Louis Stettner ne dissocie pas son art du rappel constant de la dignité humaine.
La palette des émotions est vaste, drôlerie, étrange, émerveillement, empathie.
La figure du double hante son œuvre, où les ombres ne sont pas menaçantes, participant d’une unité générale accordant le vivant à sa part d’énigme.

©Archives Stettner, Saint-Ouen
Le monde possède encore une substance, l’IA n’a pas tout avalé, un homme se tient droit face à des êtres dont il cherche à restituer à la fois la part de solitude ontologique, et l’élan de fraternité quelquefois contrarié.
La condition humaine, la géométrie transcendante, la magie de l’argentique noir et blanc.

Louis Stettner, introduction de Virginie Chardin, direction éditoriale Géraldine Lay, création graphique Wijntje van Rooijen & Pierre Péronnet, mise en page Anne Ambellan, fabrication Camille Desproges, Photo Poche, 2025, 144 pages
https://actes-sud.fr/catalogue/photographie/louis-stettner
Exposition à l’espace Van Gogh aux Rencontres d’Arles, du 7 juillet au 5 octobre 2025
https://www.rencontres-arles.com/fr/expositions/view/1609/le-monde-de-louis-stettner-1922-2016