
©Joseph-Antoine d’Ornano
« En dehors des oiseaux qui vont et viennent en pleine insouciance, avec cet air d’être partout chez eux, on peut se demander s’il existe entre ces silhouettes des passerelles propices à une rencontre. A première vue, les choses sont bordées : il y a bien d’un côté le coin des enfants, de l’autre celui des plus âgés, le coin soleil si l’on veut, et celui de l’ombre, pourtant une circulation est toujours possible ; si elle a lieu, elle va toujours du soleil vers l’ombre, comme le cours des jours ou de la vie. »
Les considérations inactuelles du peintre et écrivain Joseph-Antoine d’Ornano sont les plus contemporaines qui soient.

©Joseph-Antoine d’Ornano
Parce que l’artiste solitaire ne se laisse pas aveugler par le faisceau de ténèbres que la société ne cesse de braquer sur ses zélateurs, et qu’il invente une contre-allée.
La recherche et l’expression de la vie secrète, telle est la voie de ce maître de peinture classique.
Consacré au thème du jardin public, son dernier opus intitulé Une saison inventée est une nouvelle fois plein de grâce et d’élégance, comme si le temps n’existait pas, et que les scènes décrites ou peintes se déroulaient dans un espace non soumis à la corruption des horloges, dans une sorte d’éternité éminemment paisible.

©Joseph-Antoine d’Ornano
Passent des dames en sous-conversation, comme les arbres qu’elles frôlent de leurs robes noires.
Un mystère rassemble les enfants, les vieillards, les parents et les poètes, c’est celui que recèle un lieu clos, paradis pour les vulnérables et les innocents.
Un silence spécial y règne, troué par les cris des plus jeunes.
Les anciens se souviennent, leur vie fut jalonnée de signes les menant régulièrement jusqu’à ces territoires indemnes.

©Joseph-Antoine d’Ornano
Les enfants jouent, mais s’arrêtent quelquefois, le visage grave.
« Nous-mêmes, enfants, écrit Joseph-Antoine d’Ornano, n’avons-nous pas connu des pensées qui n’étaient pas vraiment des pensées d’enfants, des tourments trop grands pour notre âge, des gestes que nous accomplissions alors presque machinalement mais qui ne seraient compris que plus tard, quand l’heure serait venue ? De là, sans doute, naît le sentiment étrange de déjà-vu que l’on éprouve parfois devant un visage, une scène ou même un paysage que l’on voit pourtant pour la première fois. »
Des personnages marchent dans un lieu de bénédiction.
C’est un refuge pour les amoureux, et les adeptes de la vie clandestine.
Quitter la chambre, méditer aux abords d’un point d’eau, observer les autres, notre reflet.
Mais qui est donc le narrateur, le peintre, le solitaire que nous suivons pas à pas ?
« Car sa vie a lui a souvent pour décor une petite pièce de quelques mètres carrés, tapissée de taches et de vagues motifs de fleurs. Si on poussait la porte, on y verrait un homme assis sur le rebord d’un lit, les yeux fermés, la tête dans les mains, parlant tout seul, debout devant une armoire ouverte qui libère au passage une odeur sucrée de vieux vêtements. Et quand viendrait la nuit, on verrait le même homme s’approcher d’un lavabo, faire couler l’eau longtemps comme savent le faire les enfants pour s’amuser, tandis que son visage apparaîtrait dans la glace, le visage d’un homme usé. »

©Joseph-Antoine d’Ornano
Une femme est là, qui attend, souriant doucement, c’est peut-être le fantôme d’un amour passé, ou l’incarnation d’une joie à venir.
Saint-Fiacre, moine irlandais qui vivait en ermite dans la région de Meaux, au VIIe siècle, est le parton des jardiniers.
Râteau, brouette, feuilles mortes : il officie.
En 1858, Edouard Manet peint un merveilleux tableau, Le Christ jardinier.
La lune s’est levée, le jardin va fermer, il faut l’emporter chez soi.
Continuer à peindre, esquisser, gratter un peu le papier de très petit format.
Poser de l’encre noire ou des couleurs, faire apparaître des arbres, des bosquets, des silhouettes, une fontaine.
Jardiner en somme.

©Joseph-Antoine d’Ornano
Imaginer un théâtre végétal, s’y glisser, devenir couleur, nuage, point d’écriture.
Penché sur sa table de travail, parmi les aquarelles, la brou de noix et les crayons gris, le poète se confie : « Quand finalement sonnera l’heure, un soir d’été ou peut-être d’une saison inventée, au coucher du soleil, devant les collines jaunies par une lumière très douce, il y aura sûrement un jardin, une table dressée près des hortensias. Ce sera une table de fête, nappée de blanc, des couverts en argent, des carafes pleines de vin grenat, des pains dorés pareils à des soleils et, tout autour, parmi les convives, on reconnaîtra les visages de ceux qui, un jour, nous ont consolés. Alors, ce soir-là, on se dira qu’on aura eu raison d’avoir tant aimé. »

©Joseph-Antoine d’Ornano
Joseph Antoine d’Ornano, Une saison inventée, maquette et mise en page Elsa Martinez-Faucard, Editions L’Inventaire, 2025, 64 pages
https://editions-linventaire.com/sample-page/
Joseph-Antoine d’Ornano est représenté par la galerie Grillon (Paris) et la galerie Olivier Rousseau (Tours)
https://galeriegrillon.fr/?artistes=dornano-joseph-antoine

©Joseph-Antoine d’Ornano
https://www.olivier-rousseau.com/artistes/joseph-antoine-dornano/