Noto, dont la parution suit les quatre saisons, est une revue culture gratuite de grande qualité.
Mise en page élégante, contenu dense sans être assommant, publicité discrète de grandes marques de luxe et d’institutions culturelles prestigieuses.
Huit numéros depuis le printemps 2015.
Les rédacteurs réguliers sont de haut vol, pour la plupart écrivains – Jean-Philippe Rossignol (La vie électrique, Juan Fortuna), Caroline Châtelet, Clémence Hérout, Jean Streff (Le Masochisme au cinéma, Extravagances du désir, Traité du fétichisme à l’usage des jeunes générations), l’helléniste Françoise Frontisi-Ducroux (Arbres filles et garçons fleurs, Métamorphoses érotiques dans les mythes grecs), Dominique de Font-Réaulx, conservatrice générale au musée du Louvre et directrice du musée Eugène Delacroix – accompagnés parfois par les excellents Paul Ardenne, Georges Didi-Huberman, René de Ceccatty, Claro, Corine Pelluchon, Eugène Durif, Serge Fauchereau, Jean-Michel Maulpoix, Christophe Honoré.
Aristocrate sans pédantisme, Noto répond avant tout au projet d’émancipation formulé par Jean Vilar : l’art élitaire pour tous.
Noto dit aussi la renaissance après la catastrophe, à l’instar de la ville éponyme de Sicile détruite en 1963 par un séisme, et reconstruite entièrement dans le style baroque tel qu’il se déploie dans la province de Syracuse. Le courage de la survivance par la beauté donc.
Prenons le sommaire du dernier numéro (février 2017).
Texte inaugural d’Alexandre Curnier à propos de l’exposition Frédéric Bazille actuellement en cours à Orsay intitulé « La couleur des pivoines », posant la question de la responsabilité des musées quant aux politiques de reconnaissance dont elles peuvent être porteuses (lutte contre les discriminations par exemple). Robert Storr est cité : « L’avenir de la France en tant que centre culturel mondial dépend entièrement de sa capacité à regarder vers l’extérieur autant que vers l’avenir et à créer des musées qui soient de ceux qui n’anticipent pas seulement le futur, mais savent également corriger la myopie du passé. »
Suit un entretien avec l’anthropologue Véronique Nahoum-Grappe à propos de « la fête la nuit » illustré par une aquarelle de Thomas Lévy-Lasne, une peinture d’Antoine Watteau (Les Comédiens italiens, vers 1720, Washington, National Gallery of Art), et un tag particulièrement éloquent retrouvé par Patrick Boucheron/Antoine de Baecque : « Ils ont le pouvoir, on a la nuit ! »
Bonne idée ensuite que de reproduire en intégralité la comédie en un acte d’Alfred de Musset, La Nuit vénitienne (1830), ou la mise en scène du pouvoir des masques, que prolonge une nouvelle de Jean-Philippe Rossignol ayant pour titre « Le costume taché de sang ».
La fête continue avec une présentation par Annick Lemoine, chercheuse et commissaire d’exposition, du lumineusement sombre Valentin de Boulogne (le musée du Louvre lui consacre une exposition jusque fin mai), peintre dont la culture est une puissance de liberté – point de vue de Laurence Engel, présidente de la BNF, interrogée plus loin.
Clémence Hérout nous fait découvrir, en mots et photographies, le métier d’archetier, c’est-à-dire de la fabrication d’archets pour instruments à cordes, « à partir de bois de Pernambouc, d’ébène, de soie, d’argent, de crin de cheval, d’os, de nacre et de cuir », quand Jean Streff, de malice érudite, convoque Andy Warhol, Claude Lévi-Strauss, Guillaume Apollinaire, Alfred Hitchcock, Le Caravage, Victor Hugo, David Cronenberg, Jacques Demy, Walerian Borowczyk, Bram Stocker (liste non exhaustive) pour évoquer la puissance érotique et jaculatoire de la bouche.
Dominique de Font-Réaulx réfléchit quant à elle à la permanence des codes picturaux dans la représentation des foules en révolte, avant de céder la place à Françoise Frontisi-Ducroux questionnant les motifs du fil, et du tissage/détissage, dans l’Antiquité grecque, accompagnant son article d’une iconographie superbe – toiles de Leandro Bassano et Jacob Van Loo, gravure d’Edward Burne-Jones, motifs de skyphos (vase à boire) et kylix (vase pour boire le vin) – ce qui amène logiquement, après une présentation en images de l’Ecole nationale supérieure des beaux-arts de Paris (texte de Nicolas Alpach et Valérie Coudin, photographies de Marc Chaumeil), Caroline Châtelet (membre avec Clémence Hérout du comité de rédaction bicéphale de Noto) à proposer un article très fouillé sur le droit de reproduction des œuvres conservées dans les musées.
Bien, parfait, merveilleux, d’accord, on applaudit, mais où trouver Noto ? A l’Institut français du Japon, à Tokyo, à l’Académie de France à Rome, à l’Institut de France à Prague, mais aussi un peu partout à Paris, Bordeaux, Clermont-Ferrand, Montpellier, Saint-Rémy-de-Provence, Saint-Mandé, Toulouse, Nantes, Quimper, Lyon, Metz, Troyes – liste des lieux de diffusion précise disponible sur le site de la revue.
Nous vivons une époque formidable, non ?
Noto, numéro 8, février 2017, 96 pages
NOTO est également accessible partout et librement sur les kiosques numériques, depuis le site de la revue, et aussi sur Le Kiosk, Issuu, Calameo et Scopalto.