Aménagements successifs du noir est le cinquième volume des éditions Rue du Bouquet, fondées par Samantha Stuckle.
C’est un ensemble de photographies prises à Belgrade entre 2012 et 2015 par Sladjana Stankovic, et habilement disposées sur des feuilles non reliées – Joanna Starck est à la manœuvre pour la conception graphique.
L’écrivain Sylvain Prudhomme présente ainsi la photographe : « S. aimait les chiens. Elle faisait plus que les aimer : elle leur ressemblait. Errante comme eux. En arrêt dans la nuit comme eux, au bord d’un carrefour, face suspendue, souffle court, yeux grand ouverts dans le noir. Attendant quoi. Espérant quoi. »
Belgrade la festive, la délirante, la fiévreuse ? Vous ne la trouverez pas ici, où règnent la brume et la désespérance.
Recouverte d’une neige sale, la capitale de la Serbie est un territoire hostile, comme si la guerre se poursuivait encore.
Bloc (de glace) contre bloc (de glace), suie, pollution.
Sensation d’antichambre de l’Enfer.
On avance à l’aveugle dans des sous-sols obscurs, guidé par un chien psychopompe.
On ne voit plus rien, les pages ont perdu leurs derniers grains de lumière, l’absolu de leur noir est un cercueil.
Des arrière-cours lépreuses, zoliennes.
Des escaliers ayant perdu leur rambarde protectrice.
Des fantômes.
Un ciel d’orage, une vitre brisée, des oiseaux affolés.
Des couples fuyant le glas dans des caves à bière, des salons feutrés, des alcôves anciennes.
Passage d’un tramway dans la nuit comme une lame de sacrifice entrant dans le cerveau d’un idiot.
Ici, on assassine les anges.
Ici, on vit dans la blessure.
Ici, l’alcool n’est jamais assez fort.
Et pendant que la nuit renforce son empire, chercher sans relâche un visage à aimer, ou un arbre à étreindre, comme on dénoue une corde.
Sladjana Stankovic, Aménagements successifs du noir, texte de Sylvain Prudhomme, conception graphique Joanna Starck, éditions Rue du Bouquet, 2019, 40 pages – 500 exemplaires numérotés
Vernissage des photographies de Sladjana Stankovic à partir de 19h30 le 19 décembre 2019 à la librairie Volume (Paris) – exposition visible jusqu’au 14 janvier 2020