L’Aurore, un film de Murnau, un roman-photo graphique de Yannick Le Vaillant

MURNAU_Aurore_11

« Partout où le soleil se lève et se couche dans le tumulte de la ville comme sous le ciel infini de la campagne, la vie est toujours la même : parfois amère, parfois douce. »

Sorti aux Etats-Unis en 1927, L’Aurore, du réalisateur allemand Friedrich Wilhelm Murnau, est selon François Truffaut « le plus beau film du monde », ayant bénéficié, dit-on, d’un budget illimité.

MURNAU_Aurore_4

Le cinéma muet est alors à son apogée, et possède un pouvoir d’envoûtement unique.

L’histoire de L’Aurore (Sunrise – A Song of Two Humans) est simple, dramatique, et finalement heureuse.

Dans un village de pêcheurs de la campagne américaine, un homme de peu marié à une femme douce qui le contente, s’éprend d’une citadine très séductrice. Sous son influence, il décide de la noyer, sans y parvenir, celle-ci s’enfuyant vers le centre-ville, ses lumières, ses fêtes, sa modernité.

MURNAU_Aurore_6

Après être parvenu à se réconcilier, le couple contracte une nouvelle alliance conjugale, décidant de rentrer au village en canot, avant qu’une tempête n’éclate.

Croyant son épouse engloutie par les eaux, le fermier décide de se venger en tuant la tentatrice, mais au moment où le soleil se lève son aimée réapparaît.

MURNAU_Aurore_7

Dans son universalité, sa façon de nouer Eros, Thanatos et matin du monde, ce film est bouleversant, parce que chaque plan est une magie de composition, parce que la nature est superbe, parce que nous ne serons plus jamais innocents.

Cette œuvre, nous pouvons à présent la lire comme un roman-photo, le graphiste Yannick Le Vaillant ayant décidé pour les éditions Conspiration d’en extraire les photogrammes dans leur ordre chronologique, ainsi que les intertitres, et de les disposer sur la page à la façon des cases d’une bande dessinée, la confusion entre dessin et plan cinématographique créant une grande beauté, faisant penser à un rêve éveillé ou au monde flottant japonais.

MURNAU_Aurore_2

Il y a ici du sublime dans les scènes nocturnes et l’universel d’un amour contrarié entre un homme et une femme surmontant le mal.

Une fois chassé le serpent, la déchirure mène à l’étreinte qui mène au baiser.

Chaque photogramme est un tableau, puissamment érotique dans sa vibration de vie.

MURNAU_Aurore_1

Les intérieurs sont nus, l’essentiel est une nature morte.

Mais le désir est un tyran, un veau d’Or.

Un petit enfant pleure dans son lit, tandis que son père embrasse sa maîtresse, très douée pour lui donner du plaisir.

MURNAU_Aurore_3

Ses propositions sont indécentes, il l’étrangle, elle l’empoigne, l’herbe se souvient de leurs corps.

La folie règne près d’une brassée de joncs.

C’est un démon femelle en superposition transformant l’homme en bête.

MURNAU_Aurore_9

Voici une église, le lieu du pardon.

On y célèbre une cérémonie heureuse : « Par les liens sacrés du mariage, Dieu vous donne sa confiance. Elle est jeune et innocente, guidez-la, aimez-la, gardez-la et protégez-la de tout mal. »

La pureté attire le diable, ne supportant pas le bonheur qui annule sa puissance.

Ils entrent chez un photographe, ils rient, leur complicité est évidente.

MURNAU_Aurore_10

Dépassant la fascination pour le mélodrame, Murnau célèbre, contre l’enfer des furies et la fascination pour l’artifice, la vie simple et la douceur de vivre à deux.

L’avant-dernier plan/photogramme/dessin est l’un des plus beaux de l’histoire du cinéma: elle a les cheveux déliés, la gorge blanche, et offre ses lèvres à l’homme qu’elle aime.

Ce pourrait être un tableau du Belge Spillaert, mais sans la mélancolie et le goût pour l’effroi.

thumbnail_Couverture-laurore-kiosque

Murnau, L’Aurore, par Yannick Le Vaillant, Conspiration éditions, 2019, 110 pages

Conspiration éditions

l'aurore

Yannick Le Vaillant

d

Se procurer L’Aurore, par Yannick Le Vaillant

Un commentaire Ajoutez le vôtre

  1. Soret Daniel dit :

    Super Merci Bon Noël

    J’aime

Laisser un commentaire