
©Alex Llovet
C’est un livre de passages, de seuils, de lumière et de mélancolie.
Une œuvre de mémoire ouverte.
Summer’s almost gone, du photographe espagnol Alex Llovet, né à Barcelone en 1974, est un astre noir se composant de pages à déplier montrant deux fois les mêmes images selon une dialectique constante rappelant le processus négatif/positif.
La structure des vingt-quatre polyptiques de quatre images montrées ici induit donc chez le spectateur une double conscience de la disparition et de l’apparition, du deuil – des vacances, puisque l’ensemble des images provient de vacances passées par l’auteur avec sa famille au Royaume-Uni et en Espagne, entre 2016 et 2021 -, et de l’allégresse.

©Alex Llovet
On peut considérer Summer’s almost gone comme un chemin d’initiation : apprendre à grandir, apprendre de son corps au contact des éléments fondamentaux, apprendre à traverser ses peurs sans perdre une énergie vitale première, primitive.
Les enfants jouent, rient, se balancent.
On a la tête à l’envers, la nature est belle, féconde, magique.

©Alex Llovet
Voici le plein été, le temps de l’insouciance, la fête des sens et de l’imagination, mais aussi la conscience au cœur de la liesse de la finitude, du mouvement pendulaire de l’existence.
La piscine du jardin va se dégonfler, il faudra bientôt remettre des chaussures, on n’aura plus le loisir d’observer autant le miracle de ce qui est, comme une donation.
La gratuité laissera probablement place aux calculs, le vide ensoleillé au vide affairé.

©Alex Llovet
Alex Llovet photographie le plus proche, les gens qu’il aime, son environnement immédiat.
L’identité est un manteau d’illusion, dont on peut se dépouiller pour le plus vaste : on appelle cela les vacances – ou la vacance de soi.
D’une grande délicatesse, les images de Summer’s almost gone disent l’attention, la joie, la grâce d’être là hic et nunc, simplement, comme l’une des composantes d’une nature prodigue.
Allègement, incarnation, fiction.

©Alex Llovet
Il pleut enfin, l’araignée du jardin était assoiffée.
Chorégraphies de pieds, chorégraphie de câbles traversant le ciel, chorégraphie de visages doux.
Il y a du mystère, des blessures à panser, des tomates mûres à déguster.
Des yeux, des ventres, des chevelures.
Des insectes, des rites païens, des structures fragiles pour attraper les rêves.

©Alex Llovet
On se baigne, on dort, on devient une libellule.
De l’écorce pousse sur l’avant-bras, on se métamorphose, Ovide es-tu là ?
Un antre, un serpent, un corps d’enfant allongé sur la terre.
Summer’s almost gone est un livre splendide, calmement élégiaque, sur le temps qui passe et persiste, sur la puissance des expériences corporelles, sur ce qui relie et ramène chacun à sa solitude ontologique, et sur ce qui permet d’aborder l’avenir comme une énigme sans drame.

Alex Llovet, Summer’s almost gone, texte Lara Moreno, design underbau, Ediciones Posibles (Barcelone), 2022 – 600 exemplaires
https://www.edicionesposibles.com/product-page/summer-s-almost-gones
