Buenos Aires, légèrement ailleurs, par Sofia & Mauro, photographes

©Sofia & Mauro

Il règne sur ce livre un parfum de nostalgie, comme si les couleurs étaient toutes un peu passées, grisées, altérées par les ans (quelques décennies).

Nous pourrions être dans les années 1960 ou 1970, dans une sorte d’éternel présent des débuts de l’ère de la publicité et de la consommation de masse.

C’est ainsi que les Argentins Sofia & Mauro, tous deux nés en 1972, voient Buenos Aires dans un livre éponyme publié par Julien Guerrier et Anthony Vessot dans la collection Fashion Eye de Louis Vuitton.

Nous pourrions nous sentir quelquefois à Paris dans cette ville où le baron Haussmann a inspiré dans certains quartiers l’urbanisme strict.

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Buenos Aires est le premier livre du duo installé dans la capitale française, qui n’a surtout pas recherché le pittoresque dans sa ville natale, mais une atmosphère rendant compte de son âme.

Comment dit-on ce mix de saudade et de joie de vivre, parfois enragée, propre à l’Argentine ? Buena onda ? tango ? les deux ensemble ?

Les Porteños sont-ils fatigués par des années de crise économique ? Oui, très probablement, ce qui explique aussi les tonalités chromatiques de cet ouvrage.

Est-on en Europe ou en Amérique du Sud ? Les continents se mélangent, Buenos Aires est aussi une cosa mentale.

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Belles cylindrées américaines, ombres puissantes, personnes âgées marchant dans la rue.

Buenos Aires est construit comme une mosaïque de scènes vues, de portraits, d’assemblages architecturaux.

La jeunesse est belle, un peu rebelle, distroy, les plus vieux, en costume de flanelle impeccable, ont la classe des lords anglais.

Coiffure, musique, poteaux électriques.

Echafaudages, façades de tôles colorées, cageots empilés.

Les fragments s’accumulent, à la façon des photogrammes éparpillés d’un film à remonter.

Il y dans la quotidienneté une dimension onirique relevant du réalisme magique à la Cortazar.

©Sofia & Mauro

Chacun fait un peu son cinéma, par élégance, par politesse, par philosophie.

Sofia & Mauro photographient partout, des quartiers populaires aux plus aisés, des enfants des gangs aux belles à la chevelure démente photographiées de dos.

Le soleil affronte les ténèbres, qui ne sont pas toujours où on le croit.

On est bien dans ce livre réunissant à la façon d’un cabinet de détectives privés les pièces d’une immense scène à élucider.

Piété, livres à vendre, stade de football.

Diego Maradona, priez pour nous pauvres pécheurs.

©Sofia & Mauro

On fume une cigarette, on s’achète une chemise rose pâle dans un marché populaire, et l’on rencontre la plus belle fille du monde, portant une jupe et soutien-gorge noirs, sur une peau métisse à créer des tremblements de terre.

On connaît mal de ce côté-ci de l’Atlantique la photographie argentine.

Cher attaché culturel là l’Ambassade de France à Buenos Aires, je suis prêt pour une mission exploratoire et de fraternité entre les peuples.

Tout de suite.