Napoli, vivre libre, par Anders Petersen, photographe

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©Anders Petersen

Naples est la première capitale de l’Italie, populeuse, révoltée, mystique.

On y danse ici avec la mort, non loin du Vésuve grondant de mystères.

Pour Anders Petersen, cette ville est parfaite, où la richesse est d’abord celle de l’indocilité de sa population.

©Anders Petersen

Publié par l’Artière (Bologne), Napoli est d’emblée placée en couverture sous l’autorité d’une créature marine serpentine, sorte d’incroyable anguille shootée à la cocaïne, comme on en trouve très au Nord, dans la Tamise, à Londres, non loin de la City et de ses cadres overdosés.

On s’approche du Pausilippe, réputé pour être l’une des bouches permettant de descendre aux royaumes souterrains, on prend une grande bouffée d’oxygène, on y va. 

Que pourrait-on craindre puisque nous sommes déjà morts ?

©Anders Petersen

Petersen, c’est l’inconnaissable des pulsions, la fraternité des gueux, le rappel que nous avons un corps, qu’il faut en jouir, et que la dépense pure (bataillienne) est de l’ordre du salut.

Fruit d’une résidence initiée par la très dynamique Spot home gallery (Cristina Ferraiuolo), Napoli déploie ses visions comme on entre dans une histoire de l’œil, carnavalesque, baroque, inconvenante.

Tout ici est torve, de guingois, sur le point de basculer dans quelque antre dangereux.

Mais tout ici est également de l’ordre du rite, de la cérémonie initiatrice, de la solennité ensauvagée.

Se dépliant en série de triptyques, Napoli procure par son montage une ivresse qui exalte.

©Anders Petersen

Un homme grave en costume et chaussures impeccables, debout à l’orée d’une porte, tient une marguerite (page de droite), alors qu’une belle insolente soulève le bras pour dévoiler le poil poussant sous les aisselles (milieu), et que flotte dans un marché (gauche) un drap représentant La laitière de Vermeer à la joliesse déformée, comme si son visage avait été boxé.

Les motifs sont repris : fleurs, tatouages, membres nus, sols, regards, canidés, chevelures, mannequins, robes.

Un chien s’avance, aussi patibulaire que grotesque, ce molosse est une poupée malade.

©Anders Petersen

L’éducation se fait dans la rue, dans les bars, dans les enterrements.  

On danse en projetant sa sueur sur son partenaire, on se colle, on se tort les avant-bras, on exhibe ses seins.

Les femmes sont incroyables, puissantes, rebelles, insolentes.

Ce sont des Pythies modernes.

Maradona hennit, les figurines de footballeurs se mordent, les vieilles dames en soutien-gorge sourient comme des anges.

©Anders Petersen

Superbement édité (design de Ramon Pez), Napoli est l’un des meilleurs livres d’Andes Petersen.

Cet ouvrage très noir est un poulpe dont les tentacules se nomment sororité, sensualité, défi, cruauté, chic, mort, gémellité, amour.

Naples, ou le droit d’être qui l’on veut, comme l’on veut, à l’heure que l’on veut.

Confondant les temporalités et les époques – de l’Antiquité à aujourd’hui -, la série d’Anders Petersen dans la cité parthénopéenne relève d’un vitalisme communicatif.

Et l’on pense à Nietzsche, pour qui la vie véritablement vécue était élan, création, énergie, liberté.

Anders Petersen, Napoli, texte Valeria Parrella, design Ramon Pez, editing Anders Petersen & Ramon Pez, L’Artière, 2023, 61 pages – 1000 exemplaires

https://www.lartiere.com/fr/prodotto/napoli-anders-petersen/

https://www.spothomegallery.com/en/artist/anders-petersen/

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