Paysages de silence, par Bernard Plossu, photographe, et Marcelo Fuentes, peintre

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©Bernard Plossu / courtesy Galerie Camera Obscura

Le sentiment est immédiatement celui d’une grande paix, d’une concorde.

Imprimés en format vertical, sur papier mat épais, souvent en diptyques, les paysages, urbains et naturels, de Bernard Plossu et de Marcelo Fuentes imposent une solennité qui est de l’ordre du sacré.

Il y a quelque chose de l’âme jumelle entre le photographe français et le peintre valencien.

©Marcelo Fuentes / courtesy Galerie Camera Obscura

Que peut l’art ? Nous rappeler que nous ne sommes pas vraiment au monde, et que nous pouvons, en affinant nos perceptions, accéder à des dimensions de l’être où la psychologie n’a plus cours, mais la vérité d’une sorte de matière atemporelle nous unissant tous.

Traversant par leurs œuvres le vacarme général, Bernard Plossu et Marcelo Fuentes, qui se sont rencontrés en 1998 en Espagne, créent des espaces de silence.

Voilà ce que peut aussi l’amitié, non pas du bavardage incessant, mais un repos dans la vision de l’autre, une reconnaissance, un transfert serein, dont témoigne le livre Villes et paysages (éditions Filigranes et Camera Obscura).

©Bernard Plossu / courtesy Galerie Camera Obscura

Tous deux abordent les territoires en pythagoriciens, remarquant les lignes structurantes, cubistes si l’on veut, cherchant à rendre compte d’un plan transcendantal, comme si tout était à la fois présent et d’outre-monde.

A quoi bon la géométrie, les déserts et la marche vécus comme une ascèse ? Pour se dépouiller, pour mettre le corps au diapason du paysage, pour le suer et le célébrer en son plein mystère.

Bernard Plossu a souvent dit ce qu’il doit à la peinture (Corot, Malevitch, Morandi, les maîtres romains), quand Marcelo Fuentes revendique l’utilisation de la photographie dans sa peinture.

©Marcelo Fuentes / courtesy Galerie Camera Obscura

Leurs œuvres sont la plupart du temps de moyen ou de petit format, il faut fuir l’épate, l’effet, la grandiloquence, rien ne les insupporterait davantage que de mettre l’ego au premier plan.  

Nous sommes au Niger, à Taos, à Ventotene, à Molène, à Santa Cruz de Tenerife, en Ardèche, au Maroc, en Ligurie, à La Ciotat, à Brooklyn, partout où nous pouvons retrouver l’indemne par le travail de l’art, et ressentir l’évidence d’un ordre supérieur.

Bernard Plossu photographie-t-il comme on dessine ?

Marcelo Fuentes dessine-t-il comme on photographie ?

Peut-être.

©Bernard Plossu / courtesy Galerie Camera Obscura

Bernard Plossu, remarque en préface Salvador Albiñana, ne photographie pas New York, quand la ville américaine est importante pour son ami peintre.

Il ne s’agit bien entendu pas d’être identiques, mais de percevoir de concert les volumes, les blocs architecturaux découpant le ciel, l’énigme des points de lumière.

Les fenêtres, les verticales, les ombres, les angles.

©Marcelo Fuentes / courtesy Galerie Camera Obscura

On est bien dans leur double œuvre, parce qu’y règne chaque fois, dans l’effort de visibilité, un espace de retrait, une zone où s’effacer, comme lors d’une prière, quand les saints mots – ici les formes – ont pris la place des petites intentions.     

Plossu / Fuentes, Villes et paysages, texte Salvador Albiñana, mise en page Didier Brousse, réalisation graphique Patrick Le Bescond, numérisation et photogravure Guillaume & Chloé Geneste, Filigranes Editions / Camera Obscura, 2023

https://www.galeriecameraobscura.fr/artistes/fuentes/artist_main_index.html

©Marcelo Fuentes / courtesy Galerie Camera Obscura

https://www.galeriecameraobscura.fr/artistes/plossu/artist_main_index.html

https://www.filigranes.com/

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