Un hymne à la puissance féminine, au jeu, à l’inventivité, par Yelena Yemchuk, artiste visuelle

©Yelena Yemchuk

J’ai déjà présenté, le 22 juillet 2022, avec le livre УYY le formidable travail visuel de Yelena Yemchuk, artiste multidisciplinaire née à Kiev, ayant grandi et étudié aux Etats-Unis – à la Person School of Design et au Art Center College of Design de Pasadena.

Les éditions milanaises Départ pour l’image (Luca Reffo & Francesca Todde) publient aujourd’hui, non sans audace, le spin-off de cet ouvrage, soit le bien nommé Mise en abyme, le y du titre renvoyant subtilement à l’édition princeps.

©Yelena Yemchuk

Il est beau de reprendre ainsi la matière d’un premier ouvrage pour en approfondir les potentialités, chercher de nouvelles possibilités graphiques, considérer la matrice d’une œuvre inaugurale pour en faire naître d’autres entités.

Le récit originel est remonté, repensé, redéployé, car, au fond, l’origine n’existe pas, il n’y a que des fantômes de fantômes de fantômes.

©Yelena Yemchuk

Sont utilisées ici les épreuves typographiques du premier tirage – à mille exemplaires -, des images non exploitées, et des photographies déjà montrées, mais dans une version permettant la dérive imaginaire, Yelena Yemchuk dessinant ou peignant sur les clichés, les couches de significations se superposant.

Il s’agit par ce processus créatif de redéfinir l’objet-livre comme un flux de conscience, malléable, transformable, métamorphosable, à l’infini de l’inspiration.

En deux ans, УYY aurait pu vieillir, se flétrir, disparaître un peu sous les ris du temps, mais non, il a rajeuni par l’effet d’une Mise en abyme lui redonnant une énergie considérable.

©Yelena Yemchuk

La sensualité y est omniprésente, associée à l’enfance, qui est moins un âge qu’une façon de ne pas perdre la beauté d’un haut degré d’éveil.

Mais il y a plus encore, chaque exemplaire contenant une impression originale pliée unique et différente, représentant 1/8^e d’une feuille typographique sauvée de la mise au rebut, soit la chance d’une individuation.

Il faut insister : rien n’importe plus que le temps de l’enfance, ses peurs, ses exaltations, d’où découlent les orientations générales, conscientes ou non, d’une vie adulte n’arrivant généralement pas à en prolonger le génie.

©Yelena Yemchuk

En quelque sorte, Mise en abyme est le fantasme de УYY, ses personnages, dessinés ou non, regardant avec franchise les spectateurs comme Saturne menaçant venant à eux pour les dévorer, magnifiques de leurs corps irréductibles, embarqués ici dans un flux visuel qui les magnifie tout en les opacifiant.

Frémissement du désir électrifiant les pages.

Juvénilité de l’élan.

Attitude crâne des femmes ne craignant ni la séduction, ni la possibilité d’une jouissance sans tabou.