A Hong Kong, to the Happy Valley, par Pierfrancesco Celada, photographe

©Pierfrancesco Celada

On peut vite devenir claustrophobe à Hong Kong.

Pourtant, la nature est partout, entre les buildings – voir A l’origine de Gaëtan Chevrier, Sur La Crête éditions, 2022 – et tout autour de la ville, bordée par une mer omniprésente.

Portrait de la cité-monde de la région administrative spéciale de la République populaire de Chine – la colonie britannique a été rétrocédée à la Chine en juillet 1997 -, When I feel down I take a train to the Happy Valley, de l’Italien Pierfrancesco Celada, commence par la vision verticale de nageurs isolés dans l’onde.

Vivre ici, c’est savoir flotter, savoir se diriger sans trop peser, savoir naviguer sans s’épuiser.

©Pierfrancesco Celada

Aucun visage n’est directement montré : l’anonymat des personnes représentées est préservé dans cette ville où la police est puissante et où eut lieu en 2014, quand le photographe commença à y résider pour quelques années, la révolution dite des Parapluies.

Des parapluies ? Oui, pour se protéger des gaz lacrymogènes, pour masquer son identité, pour la belle image instagrammable d’un pacifisme collectif.

When I feel down I take a train to the Happy Valley est un livre d’atmosphère, presque surréalisant quelquefois, possédant un humour léger, une fantaisie de décalage de bon aloi quand la pression politique est intense.

©Pierfrancesco Celada

Baskets Nike, vélos, ligne de ciment sur la roche.

On grimpe à la corde, on se perd dans la luxuriance végétale, on est une silhouette rose sur un mur, prolongée par une coulure de peinture rouge sang répandue sur le sol.

Un homme observe à l’aide de jumelles : est-il des forces de sécurité ? Est-ce un ornithologue ? Un voyeur lambda ?

Pluie, vent, manne de poissons tombés du ciel, comme dans un conte.

©Pierfrancesco Celada

Le regard de Pierfrancesco Celada, qui vit désormais à Venise (Murano), est celui d’un architecte attentif aux structures, à la façon dont les arêtes des bâtiments dessinent des cadres où inventer sa vie.

Cette brume soudaine est-elle nuée divine ou effet de gaz fétides lancés contre des manifestants ?

Cet homme là-bas est-il de chair, ou est-ce un automate ?

La rue crie et écrit victoire, espérant la démocratie à l’occidentale.

©Pierfrancesco Celada

Se cacher des caméras de surveillance, se battre collectivement, ramasser de quoi jeter contre les agents de la répression.

Dans ce livre où règne un grand silence, le vide est plein, le plein est vide, peut-être un peu plus qu’ailleurs.

Quelques pages imprimées en encre argentée créent un effet d’abstraction propice à la présence des fantômes : Hong Kong, c’est aussi cela, par-delà l’extrême modernité, un mystère, une âme, une spiritualité spéciale.

On partage dans l’absurde et l’incommunicable, chacun connaissant son rôle, son emploi, sa fonction, jusqu’ à ne plus supporter d’assumer de se vêtir d’une carapace sociale.

Des hommes et des femmes dorment sur des cartons posés sur de gros pavés, ce sont des veilleurs, des guetteurs, des vigies.

Lazare, voyez-vous, est aussi hong-kongais.

Pierfrancesco Celada observe une ville qui l’étonne, entre conflits politiques assumés et sentiment de doux burlesque existentiel.

©Pierfrancesco Celada

Par son calme et l’ordre de ses compositions, son livre nous rappelle que tout est théâtre et que la dimension fondamentale humaine est le rêve éveillé, voire le somnambulisme.

Mais, au fait, qu’est-ce que the Happy Valley ?

Il s’agit du nom du terminus d’un tramway, là où commencent probablement les légendes.

Pierfrancesco Celada, When I feel down I take a train to the Happy Valley, image toning Melissa Pallini, Muddyisland books, 2024

https://muddyisland.bigcartel.com/

©Pierfrancesco Celada

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