L’amour du cante flamenco, par Francisco Moreno Galvan, poète

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©Pepe Lamarca

« Les éboulis dans la montagne, / les oliviers sur la colline / et les fers bien forgés / aux balcons de Ronda. »

Quel bonheur de lire grâce au passeur/traducteur Serge Airoldi les letras du peintre et poète Francisco Moreno Galvan (1925-1999).  

Présentées dans une édition bilingue très élégante (qualité Fario), ces letras, poèmes destinés à être chantés lors d’un moment/cérémonie de flamenco, sont d’une simplicité et d’une vérité qui bouleversent.

Composées sous le franquisme, les vingt-trois textes recueillis ici témoignent d’un ardent désir de liberté obligeant à trouver des formules qui ne mettront pas en danger leur auteur.

« Si je m’égare qu’on aille me chercher / au bord de la mer, / en train de lire à l’horizon / le mot liberté. »

J’ai voulu pêcher des étoiles, dont les textes font quelquefois songer à des haïkus, est un ensemble de traits, de flèches, de fulgurances célébrant le peuple andalou, et les souffrances de l’âme.

« Le grand drame de Francisco, avance le photographe argentin exilé en Espagne Pepe Lamarca à son petit-neveu Juan Diego Martin Cabeza, il me l’a confié une fois alors que nous revenions de Paris, c’est le sentiment d’avoir connu trop tard la liberté. »

Entre communisme généreux et sentiment de la fraternité chrétienne, modernité et respect profond pour la tradition du Jondo, « qui trouve ses racines dans les peintures noires de Goya ou dans la poésie de Francisco de Quevedo, de Federico Garcia Lorca, de San Juan de la Cruz ou de Miguel de Unamuno », continue le préfacier, ces letras sont parfois un cri de désolation qui déchire le cœur.        

Chanson triste émeut aux larmes : « Que ma voix ne se trouble pas / pour entonner ce chant, / plus encore qu’un cante, il ressemble à des pleurs / entre soupirs et plaintes, / et les pleurs nous laissent toujours / amertume et chagrin. // Douleur tristesse ou angoisse / la vie m’apporte, / et sans savoir pourquoi, / je les enchaîne, / ainsi, accumulant mes peines / je ne sais comment je tiens. // Tout ce que je touche / toujours se brise ou se tord, / et la plupart du temps / les pensées me tourmentent, / parce que trop réfléchir ça pèse aussi, / et rend tout plus douloureux. // Et ce sont ça mes pauvres repas / faits de miettes, toujours rares, / la boisson, goutte à goutte, / tout en sachant par avance / que si je lave une main / je ne pourrai laver l’autre. // Et celui qui est toujours seul / dans son silence donne à penser / qu’il meurt dans sa solitude / et pour ne pas mourir ainsi / va parfois jusqu’à demander / ce qu’on ne lui donnera jamais. // Et si quelqu’un a entendu ce chant, / qui l’a peut-être rendu triste, / alors j’implore / sa patience et son pardon, / le cœur n’est pas toujours capable / de chanter le bonheur. »

Rester inébranlable mais parfois s’effondrer.

Etre épine et chair tendre.

Etre peuple et solitaire.

« Tu es partie à l’aube / sans te soucier d’avoir laissé / la porte grande ouverte. / Sans savoir quand ni comment / ton visage est devenu / plus triste que celui du Christ. »

Francisco Moreno Galvan, J’ai voulu pêcher des étoiles, Letras, choisies, traduites et annotées par Serge Airoldi, présentées par Juan Diego Martin Cabeza, collection Pérégrines dirigée par Santiago Zuluaga, éditions Fario, 2025, 86 pages

https://editionsfario.fr/produit/jai-voulu-pecher-des-etoiles-%C2%B7-f-moreno-galvan/

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