La maison du pendu, par Lars Duchateau, photographe

©Lars Duchateau

Les anecdotes ou faits divers que nous lisons dans les journaux ne sont pas toujours accompagnées de photographies.

A partir d’articles parus entre novembre 2019 et octobre 2023 dans la section régionale du quotidien belge néerlandophone Het Belang van Limburg, Lars Duchateau a conçu des images qui contrastent par leur dimension interrogative ou légèrement saugrenue avec les textes généralement concis et marqués de tension.

©Lars Duchateau

Ils évoquent l’apparation de centaines de champignons, un procès contre un voyeur, trois femmes coincées dans un marais et la découverte d’une alliance perdue depuis longtemps.

A partir du banal, de l’anodin, du dispensable, Lars Duchateau crée du mystère.

La couverture a la texture d’un lé de papier peint entoilé : on entre ici en grand format et luxe de détails dans la tapisserie de l’ordinaire, les pages non massicotées sur le haut offrant un surcroît d’énigme par le blanc qu’elles laissent entrevoir.

©Lars Duchateau

On vient de découvrir un obus de 50 centimètres sur un terrain de camping : le photographe construit une image sereine, presque une églogue, de beaux arbres noueux ponctuant une rangée de mobiles-home.

Un homme tire un coup de revolver sur l’arbre de son voisin parce qu’il perd trop de feuilles : eh oui !

Un camion est bloqué, des pigeons tombent de façon inexpliquée, un homme a disparu, un jardin japonais a offert un arbre pour commémorer Fukushima.

Les histoires défilent, inquiétantes, drôles, incongrues.

©Lars Duchateau

Lars Duchateau semble quant à lui rester imperturbable, n’illustrant surtout pas, mais se servant du récit pour imaginer des images comme on compose un tableau.

Scènes urbaines ou naturelles, présences humaines indirectes, souveraineté des plans, indifférence du temps.   

Les images de Limburg sont des précipités de poésie calme, frôlant l’absurde ou le sentiment pataphysique.

Les histoires passent, les mots s’effacent, des images apparaissent, porteuses d’éternité, puis disparaissent à leur tour.

©Lars Duchateau

Porte de garage, pavillon aux volets fermés, unité du rouge.

Chute de feuilles, chute d’un arbre, eau torrentueuse.

Il y a des légendes sous les photographies, mais Limburg peut fonctionner seul, comme le portrait d’une ville mentale, ou d’un paysage intérieur.

On repère des signes, des sillons, des structures, des géométries, des traces dans la neige, des organisations formelles parfaites, et tout un bric-à-brac en-dehors d’une maison, comme le hors-champ de toute cette impeccable propreté flamande, comme un inconscient débondé, comme une envie de tout envoyer promener.

Un enfant fête son anniversaire, le soleil se couche, il y a au loin des silhouettes en marche.

On pense à La maison du pendu de Cézanne, à l’instinct de meurtre, aux sept péchés capitaux.

©Lars Duchateau

Le processus de civilisation est un effort de lissage, jusqu’à ce que craquent les apparences.

Limburg fait entrer son spectateur dans un monde sans drame, mais il y a des failles, des déchirures, des effondrements, et un ciel tourmenté.     

Lars Duchateau, Limburg, texts Het Belang van Limburg, lithography Els De Smet, design Amira Prescott, production Carel Fransen The Eriskay Connection, 2025, 128 pages – 750 copies

https://www.larsduchateau.com/j-2-limburg.html

https://www.eriskayconnection.com/limburg/

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