Bonheurs d’Inde, par Paolo Roversi, photographe, et Pier Paolo Pasolini, écrivain

©Paolo Roversi

« A la saison des moissons, je pédalais, pédalais de toutes mes forces, sans même bien voir la route, trempé de pluie et de sueur, chantant des airs d’opéra à pleine gorge pour me donner du courage et empêcher mon âme de se noyer. Ça me plaisait, j’étais jeune, j’étais heureux. J’ai profondément aimé l’Inde. Je lui ai donné beaucoup. Mais l’Inde m’a donné bien plus encore… »

C’est un livre qui embarque le lecteur immédiatement vers un ailleurs désirable.

Par la beauté de ses images – comme des autochromes du début du siècle -, Paolo Roversi nous transporte en Inde.

©Paolo Roversi

Il y a certes ici des pointes d’exotisme, mais surtout une façon de célébrer un peuple, un pays, une terre, en leur géniale idiosyncrasie.

L’Odeur de l’Inde est un livre à contempler, à méditer, à savourer, mais aussi à lire, puisqu’est repris en intégralité, dans une traduction inédite d’Anne Bourguignon, le célèbre texte éponyme de Pier Paolo Pasolini, fruit d’un séjour effectué en 1961 en compagnie d’Elsa Morante et d’Alberto Moravia.

Les images réalisées aux alentours des années 1990 possèdent une patine qui les ennoblit.

On est presqu’ici dans le conte, du moins dans la vision des étapes d’un séjour d’ordre initiatique.

©Paolo Roversi

L’Inde bouillonne, mais c’est comme si le photographe italien en percevait d’abord le silence intérieur, la part d’atemporalité, l’union avec l’invisible.

Natures mortes et portraits.   

Feu doux de la poussière du temps déposé sur la pellicule du Polaroïd.  

Un fleuve sacré.

De la piété.

©Paolo Roversi

Paolo Roversi est là, simplement, parmi les paysans et les draps qui sèchent, les enfants et les orants, les mendiants et les palais.

L’Inde qu’il aime ressemble à un rêve éveillé, comme si un voile s’était posé sur l’ensemble de ce qu’il contemple.

Les dormeurs peuplent d’ailleurs ses images, qu’ils soient étendus dans un lieu de prière, ou marchent simplement dans la rue.

Ce monde n’est qu’un passage, ses couleurs sont des ancrages, leur énergétique est un viatique.

©Paolo Roversi

Attendre, vendre des fleurs, naviguer sur l’eau du temps.

Des vaches, des fagots de bois, des turbans.

On le comprend maintenant, les images indiennes du maître italien sont plus que des photographies, ce sont des offrandes.

Pasolini écrit quant à lui : « Ma folle audace à m’aventurer dans la nuit indienne. »

Ses visions peuvent différer de celles de son compatriote : « Rarement, dans les rituels indiens, j’ai vu cette paix, humble et humaine. C’est même tout le contraire. On y voit souvent des choses immondes. »

©Paolo Roversi

Il voit des « vertiges d’épouvante », quand Roversi rencontre de beaux êtres silencieux.

En 1961, l’Inde est un pays de quatre cents millions d’âmes.

« Entendons-nous bien : l’Inde n’a rien de mystérieux, comme le racontent les légendes. Au fond, on parle d’un petit pays avec uniquement quatre ou cinq grandes villes, dont seule, Bombay, est digne de ce nom ; sans industrie, ou presque, uniforme, avec des stratifications et des cristallisations historiques très simples. »

Ah bon ? rien de mystérieux ?

La confrontation des images et du texte s’avère passionnante, créant de la complexité.

©Paolo Roversi

Faut-il aller vers l’apollinien roversien ou le dionysiaque pasolinien ?

Ou faut-il plus fondamentalement envoyer dinguer ces catégories impropres au pays de la déesse Kali ?

« Il faudrait avoir la volonté, la puissance incantatoire d’un psalmiste médiéval pour oser affronter, quand elle se représente, la terrible monotonie de l’Inde. »

Faire le portrait de Paolo Roversi en psalmiste médiéval ? oui, pourquoi pas ? c’est un beau sujet.

Paolo Roversi, L’Odeur de l’Inde, texte Pier Paolo Pasolini, traduction Anne Bourguignon, édition Nathalie Chapuis, avec la complicité de Philippe Séclier, assistée de Camille Cibot, conception graphique Line Célo, relecture Florian Berrouet, fabrication François Santerre, partenariats Yseult Chehata, diffusion Ophélie Moheymani, Atelier EXB, 2025

Avec l’aide de Maria Grazia Chiarcossi

https://exb.fr/fr/home/681-l-odeur-de-l-inde.html

https://www.leslibraires.fr/livre/24582574-l-odeur-de-l-inde-pier-paolo-pasolini-paolo-roversi-xavier-barral?affiliate=intervalle

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  1. Avatar de barbaraspolla barbaraspolla dit :

    Magnifique

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