
L’être humain est lourd, terriblement.
Heureusement, il est possible, sous l’effet des procédures de vérité, de nous alléger, par l’écriture (Louis-Ferdinand Céline), la danse (Lucette Destouches), les gestes plastiques (Isa Barbier), ou toute activité prenant de vitesse le poids du corps.
Une première monographie est aujourd’hui consacrée à l’œuvre de l’artiste Isa Barbier (éditions LIENART), dont le travail relève de la prestidigitation, autant que de la grâce minimaliste.
Il émane de ses sculptures une sensation d’atemporalité très apaisante. Ce sont des planètes animées fragiles, des environnements faits de ces trois fois rien qui rendent le monde supportable.

Les matériaux choisis, souvent simplement cueillis dans la nature, disent le peu de poids d’installations mouvantes, telles des sculptures d’air : des plumes (goéland, oie, canard, cygne), des fils (soie, cordes de piano), de la cire, de la poudre de marbre de Carrare, des feuilles, des graines, des pollens, des pétales, des aiguilles de pin, et tout un jeu de fixations (adhésifs, colle, épingles, latex, résine).
Ce qui apparaît, comme au théâtre, est une illusion concrète, des ailes d’anges flottant dans l’espace comme des poumons envolés.
Le travail du dessin, inaugural, est formé de précipitations de traits, d’expérimentations géométriques promises à l’ascension. Epicure appellerait peut-être cela le clinamen.

Ce sont des organisations archétypiques, des symétries, des répétitions.
La mine de plomb est d’une légèreté considérable.
Isa Barbier (née en 1945) invente des « épiphanies païennes », selon la belle expression de Nathalie Ergino, qui a pu repérer chez l’artiste quatre types de travaux : « les dessins sur papier », « les reliefs muraux », « les installations in situ », « les microstructures ou « presque » rien de tarlatane, de calque, de feuilles ou de plumes ».
Ses œuvres sont en effet des microcosmes, des propositions d’êtres destinées à dialoguer avec les lieux qui les accueillent, des invitations à la méditation.
Ce sont des royaumes aériens, des corps soufflés, pneumatiques, des vibrations musicales organisées en constellations.

Il y a ici de la liturgie, une façon de chorégraphier l’invisible en constituant des nuées aussi inspirantes qu’apparemment éphémères.
Il y a des pluies d’atomes, des nuages, des spirales, des suspensions de vide.
Isa Barbier enchante l’espace, l’ouvre en le dessinant en une multitude de points d’équilibres, fascinants parce qu’impossibles à tenir, et pourtant stables comme des couronnes nuptiales.
Isa Barbier nous apprend à vivre sur la pointe des pieds, à nous déplacer sans bruit, à tourner sur nous-même comme une élégante sous sa capeline de plumes.

Isa Barbier, ouvrage collectif, textes (français/anglais) d’Alain Chareyre-Méjean, Dominique Cier, Nathalie Ergino, Christine Rodès, Sabÿn Soulard, LIENART Editions, 2017, 200 pages

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