« In the last chapters we saw the butt rising, becoming a zone of empowerment. »
Post-Butt est le livre d’une sale gosse, d’une impertinente, d’une petite effrontée, mais c’est surtout le travail de fin d’étude très sérieux d’une étudiante, Melanie De Luca, inscrite à la Design Academy d’Eindhoven, aux Pays-Bas.
Il s’agit ici de construire une théorie post-féministe du cul – stricto sensu -, à partir de la culture visuelle telle qu’elle se déploie au cinéma, dans des clips vidéos, sur les cimes sexy d’internet et des téléphones portables.
De quoi le cul est-il le nom ? Telle pourrait être la question post-badiousienne de ce livre.
Le cul est politique, qui pourrait en douter ? Il est exhibé, moulé, sculpté, passé au scalpel ou bourré de Macrolane, gel permettant d’augmenter son volume.
Le cul est viral, imposant, utopique, post-genre, égalitaire.
On le regarde, le caresse, le goûte, le porte aux nues.
« The butt is femine power, écrit Melanie De Luca, with it Kim Kardashian made plus size fashionable and redefinef feminism. It is the new symbol for diversity and self-confidence, yet every picture of it looks the same. The butt is claimed sexuality but also the celebration of fertility and is therefore family friendly. »
On pourrait s’alarmer des effets dévastateurs de la nouvelle stéréotypie du cul – modèle du popotin glissant sur une barre de pole dance devant des yeux écarquillés, ou fatigués -, mais on peut aussi se réjouir qu’il remette les compteurs à zéro pour qui, ouvrière ou bourgeoise, employée, gente dame ou nobliau, cherche à le façonner pour qu’il soit à la mode, lisse et de courbes voluptueuses.
Les magasins de sport remplacent les librairies, le fitness égalise dans la suée les aspirants à la reconnaissance.
Le cul est pop, fashion, à vendre.
On peut sourire, ironiser, et s’enchanter de la danse des allitérations qui le désignent : «While many are obsessed with the big booty, the mini-ass continues to exist. »
Quand le post-féminisme porno s’empare du cul, il devient drôle, symbole d’une maîtrise d’un corps assumant son désir et ses fantasmes.
Il est bien sûr possible d’écrire l’histoire du derrière – des statuettes aurignaciennes au Bernin, de la Vénus hottentote à Jennifer Lopez, de la beauté florentine aux canons du hip-hop , mais le propos est davantage ici d’accompagner en théorie l’affirmation par les femmes de leur appétit sexuel, dans la monstration de leur appât rebondissant.
Retourner l’oppression multiséculaire du désir féminin en pouvoir de clamer sa liberté, et de ne rien cacher de la puissance du corps.
Le cul s’impose, s’assied sur les visages et les idées reçues, c’est un coup de poing dans les testicules du patriarcat.
Omniprésent sur Instagram, magnifié par la dentelle ou la ficelle, c’est une arme de guerre déguisée en naïveté de séduction.
S’il attire, c’est aussi pour discourir : black power, feminism power, butt power.
Le voici qui entre au musée, avec Egon Schiele (Blended Female Nude, 1917), Marlene Dumas (Fingers, 1999), Jeff Koons (Made in Heaven, 1991), Kara Walker (Sugar Baby, 2014).
Mais, mieux que les musées, il y a la rue, la vie nue, la vie cul.
Le voici qui fait rire, fait saliver, fait penser.
Fait écrire.
Post-Butt. The Power of the Image, designed and written par Melani De Luca, introduction Charlotte Van Buylaere, Onomatopee (Endhoven), 2019 – 1000 exemplaires
thanks
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