Ne cherchez pas ici la parité, c’est essentiellement un livre de potes.
Kenned est un objet rare, un peu comme une figure libre réussie par miracle devant les copains – pas plus d’une cinquantaine – .un jour de temps pourri.
On appelle cela une impression riso en bichromie, parce que ça dégouline en rouge et noir, comme des larmes, comme des rêves, comme des gouttes de mélancolie dans les yeux d’un chien.
On est à Brest, du côté du Jardin Kennedy, près de la gare, quelques heures à peine avant que les engins mécaniques de la mairie ne défoncent les rêves d’enfance, un Skatepark qui fut plus qu’un lieu de glisse, un paradis de gestes libres, de rencontres fulgurantes et de séparations trash.
En couverture de Kenned, tel un manifeste en forme de doigt d’honneur, il y a un rat crevé.
Le ton est donné, on est du côté de la mort, de la saleté, de la déglingue, de la rage.
Le roi est mort, vive le roi.
Steven Dreux, Clément Le Page & Evan Lunven en parlent ainsi : « Un bout de béton crade, parsemé de bouts de verre, de tâches de sang, d’excréments de clodos et de sauce algérienne. Des plans inclinés bien trop raides, des rampes en métal décollées du sol et souillées de liquides en tous genre. Des punks à chien, des gosses qui sortent de la messe, des teufeurs, des ados rebelles, des alcoolos perdus en chemin vers nulle part, des dealers de shit et au milieu de tout ça des mecs passant leurs journées sur leurs bicyclettes, patins et planches à roulettes. »
La bricole, les bières à deux balles, la gloire du n’importe quoi le jour et la nuit, l’insoumission en Finistère, c’était Kenned.
Mais tout fuit, tout est remplacé, transformé, réformé.
Normes, sécurisation des espaces, maquillages, bavardages.
Heureusement, la fête peut continuer encore un peu, en images vintage improbables.
Des visages bruts, des partages, la glisse, l’ivresse, la défonce, le rire.
Et surtout la possibilité d’un monde sans parents, sans censure, libre.
Skates, vélos, casquettes, torses nus, chemises à carreaux, Converse, vols planés, tags.
C’est la Californie à la pointe de l’extrême-Occident.
Un rêve ?
Une utopie ?
Une mythification ?
Une mystification ?
Une nostalgie ?
Eux, en chœur : « La base de l’autonomie, c’est l’autonomie de la base. »
Bien compris ?
Steven Dreux, Clément Le Page, Evan Lunven, Kenned, design éditorial Evan Lunven, Nathalie Bihan & Clément Le Page, éditions Autonomes, 2019 – 50 exemplaires
Présentation publique du livre au cinéma Le Celtic (Brest) , vendredi 29 novembre 2019, 20h