© Wiosna van Bon
Family Stranger pourrait être le titre d’un film de Ken Loach ou de Mike Leigh, mais c’est un livre de photographie de la Polanaise Wiosna van Bon publié aux Pays-Bas par The Eriskay Connection.
Dans une reliure à la japonaise particulièrement bien choisie, car elle offre aux pages non découpées une respiration, un battement d’air, un souffle, quand les personnages qu’elle montre vivent dans des lieux de réclusion, ce livre est une méditation très calme sur la question de l’enfermement et du désarroi des familles face à la situation d’emprisonnement de l’un des leurs.
Un proche a commis des actes violents, un crime peut-être.
© Wiosna van Bon
Que faire ? Comment se comporter ? Que penser ? La famille est-elle cet espace malgré tout permettant d’accepter une faute majeure ?
Comment continuer à faire société ? Comment repousser les tabous sur la prison et les logiques d’exclusion s’attachant parfois aux anciens détenus ?
D’une force documentaire immédiatement perceptible, le travail de Wiosna van Bon, porté par la tolérance première que suppose le regard sur la complexité du vivant, est aussi d’une grande générosité, élaborant un chemin d’intériorité menant vers l’apaisement.
© Wiosna van Bon
Family Stranger est un livre d’accueil, surtout pas un jugement.
La nature le borde, présente à la fois à l’orée de l’ouvrage et à son terme, comme un appel, un rappel, un réveil, un espoir.
Des visages, des incarcérés ou de la parentèle, nous ne verrons que le profil, parti pris stylistique très fort, quand il s’agit d’abord de s’interroger, pudiquement, sur ce qu’induit le face à face, en respectant la douleur et les doutes de chacun.
© Wiosna van Bon
Des grillages, des mains qui se questionnent, des dos qui encaissent le poids du monde.
Le relief d’un révolver dans un blouson en cuir.
L’ombre d’une femme.
Un oiseau emprisonné.
© Wiosna van Bon
Une petite fille derrière une vitre.
Un fourgon de police, des portes blindées, des couloirs aseptisés, l’implacable mécanique de la justice.
Des murs de briques, des barbelés, des caméras de surveillance.
Wiosna van Bon alterne parties de corps humains – des doigts, un avant-bras, une chevelure -, et photographies des lieux, ceux de l’emprisonnement et ceux des proches.
© Wiosna van Bon
Son ouvrage muet reste de douceur malgré l’effroi, marqué essentiellement par la solitude de tous.
A chacun de faire son examen de conscience, de tenter de comprendre, et de pardonner peut-être.
Que pensent les enfants soudainement privés de leur papa ?
Que pense l’épouse privée de son compagnon ?
Que pense le meurtrier ?
Que pense le prêtre ?
Que pensent les bibliothécaires de la prison ?
Que pense le geôlier ?
Rien n’est ici asséné, le temps fera son œuvre de réparation, ou non, le sens circulera encore dans le non-sens, ou pas.
Family Stranger est une œuvre lucide, et très humaine.
Wiosna van Bon, Family Stranger, design Rob van Hoesel, The Eriskay Connection, 2020 – 750 exemplaires