© Alma Charry
Pensés comme des respirations, des ouvertures, des expérimentations formelles, les livres de quelques pages publiés par les Editions Paris-Brest sont d’essence poétique.
Ses quatre dernières livraisons proposent des univers très différents, telle est aussi la richesse de cette structure éditoriale n’aimant pas se répéter.
170 paysages envahis par la douceur, de la plasticienne Alma Charry est une sorte de chasse à la baleine volontairement ratée, parce qu’il faut laisser Moby Dick nager dans la couleur, ou les paysages de l’enfance.
© Alma Charry
Le soc d’une charrue, un verre, une bouteille – à la mer, à la terre.
Un bosquet, un sillon, un morceau de fer, un horizon.
Des prairies, de la neige, l’océan.
© Alma Charry
Une route, une étoile de mer, un corbeau.
Un licol, un totem, un nuage.
La main à plume vaut la main à charrue.
© Harrison Miller
The White Bird, du poète et photographe Harrison Miller, est un essai en nuances de gris sur les interactions entre l’homme et la nature, ce que signifie le mot famille, et la maison comme lieu de rassemblement.
Tout est très paisible, comme une floraison de bienveillance et de juste mesure.
Une petite fille joue, se recueille, s’ennuie peut-être un peu.
© Harrison Miller
Le printemps est là, qui illumine visages et lieux.
On perçoit de la mélancolie, et beaucoup de joie devant la puissance de la vie.
© Harrison Miller
The White Bird est un chant d’amour envers la création, et la possibilité d’habiter poétiquement le monde.
© Karine Portal
L’île de Reil, de Karine Portal, est un portrait d’un lieu énigmatique, territoire du cerveau découvert par le médecin allemand Johann Christian Reil qui en donna le premier une description anatomique en 1796.
On l’appelle aussi cortex insulaire ou insula, termes se prêtant très bien aux dérives fantasmatiques.
Cette zone au milieu du cerveau est mystérieuse, on l’associe généralement aux fonctions limbiques – dégoût, dépendance, conscience.
© Karine Portal
Livre vibrant d’émotions, L’île de Reil pourrait être l’espace d’une robinsonnade.
Un enfant se baignant, des végétaux arrachés, une carte aux trésors bien cachée dans un livre.
Le ciel est tempétueux, comme une tempête sous un crâne.
© Karine Portal
Une maison accrochée au flanc d’une montagne.
Qui vit ici ? Où est-on vraiment ? Est-ce une prison ou un lieu de félicité ?
© Quentin Yvelin
Enfin, il y a Le Seuil, de Quentin Yvelin, sorte de jumeau mystique du fanzine d’art (40 exemplaires) imprimé en risographie dans la capitale du Ponant par Super Banco (Nathalie Bihan & Yves de Orestis), La hutte (de cendres en poussières), présenté le 17 octobre 2020 dans L’Intervalle.
Nous sommes dans un territoire d’initiation, si ce n’est de renaissance.
Nuit noire, nudité, rites étranges et beaux.
© Quentin Yvelin
Que se passe-t-il vraiment sous la tente indienne ?
Faut-il manger de la terre, boire la vie la plus dense à la coupe de l’obscurité, psalmodier quelques paroles secrètes au petit matin alors que se lèvre la brume ?
Eau, terre, air, feu : les quatre éléments tourbillonnent pour opérer la grande transformation alchimique de l’être.
© Quentin Yvelin
On quitte se peau de serpent, on se réinvente, on s’aime à neuf.
N’est-ce pas une belle définition des éditions nantaises Paris-Brest ?
Alma Charry, 170 paysages envahis par la douceur, Editions Paris-Brest, 2021, 16 pages – 50 exemplaires
Harrison Miller, The White Bird, Editions Paris-Brest, 2020, 16 pages – 100 exemplaires numérotés
Karine Portal, L’île de Reil, 2020, 16 pages – 100 exemplaires numérotés
Quentin Yvelin, Le Seuil, 2020 – 100 exemplaires