Diogène, gare aux poulpes !

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« Si je n’avais pas été Alexandre, j’aurais voulu être Diogène ! » (Alexandre le Macédonien)

En lisant la Vie de Diogène par Diogène Laërce (180-240 ap J.-C.), tiré de son opus magnum Vies et doctrines des philosophes illustres (livre VI, chapitre 2), il m’est apparu comme évident qu’il y avait un lien direct entre le Corinthien ayant vécu tout un temps à demi-nu dans un tonneau, l’inventeur de Gargantua et de Pantagruel, mais aussi le docteur Jacques Lacan.

Tous enfants de Silène ? Pourquoi pas.

L’insoumis Diogène de Sinope serait décédé à plus de quatre-vingt-dix ans en 327 avant Jésus-Christ.

Les versions de son trépas diffèrent, mais j’aime retenir celle prétendant qu’il serait mort du choléra après avoir mangé un poulpe cru – ces animaux philosophiques prolifèrent actuellement en Finistère.

Nicolas Waquet, qui préface chez Rivages poche un volume reprenant sa première biographie et des extraits des Discours de Dion Chrysostome rappelant pensées et anecdotes concernant le Cynique, écrit avec allant : « Né sans doute vers 403 avant notre ère, sur les bords de la mer Noire, Diogène le Chien montre facilement les dents et réduit bien souvent ses ennemis apeurés à la fuite ou au silence. A l’instar de ses amis canins, il mord férocement les faibles qui ne lui reviennent pas, sans distinction, qu’ils soient seigneurs ou petites gens, ignares ou fins lettrés. » 

N’hésitant pas à provoquer Platon comme Alexandre le Grand, Diogène, qui ne supporte pas l’hypocrisie, prône la parole de vérité en tout, choquant bien entendu les normopathes.

Qu’est-ce que la santé véritable ? La vertu dans l’accord avec soi-même.

Vivant en plein air, le philosophe est adepte de la frugalité, et croit aux bienfaits de l’ascèse comme du rire – ah, ses antanaclases !

Quand la société malade impose des lois mortifères, le fou est le plus grand des sages.

Le fils du banquier Hicésios, accusé également d’être un faux-monnayeur (quoi de plus logique ?), entré dans la voie du dépouillement eut pour maître Antisthène et dénonça avec lui les superstitions comme les attitudes fallacieuses.  

Le signe de la liberté, chers Athéniens de partout, ne réside-t-il pas dans la besace ?

Alexandre, rapporte Diogène Laërce, se planta un jour devant lui, déclarant fièrement : « Je suis Alexandre, le grand roi. »

Lui : « Et moi Diogène le Chien. »

Le conquérant : « Mais pourquoi un tel nom ? »

Lui : « Je caresse en remuant la queue ceux qui me donnent quelque chose, j’aboie contre ceux qui ne me donnent rien, et je mords les méchants. »

Les historiettes se multiplient, toutes superbes, à transmettre d’urgence à nos écoliers que l’enseignement officiel désespère ou ennuie.

« Alors qu’on lui reprochait de fréquenter des lieux impurs, le philosophe s’écria : ‘Le soleil pénètre bien dans les latrines sans en être souillé pour autant !’ »

Ou : « Il se masturbait aussi constamment en public en disant : ‘Ah ! si seulement on pouvait apaiser la faim en se frottant le ventre !’ »

Un jour, s’emportant : « Vends-moi à cet homme, il a besoin d’un maître. »

Les sophistes crient, s’insultent, se battent, montent sur leurs ergots.

Lui s’écarte, s’accroupit, se livre à un acte indécent, puis se rappuie sur son bâton pour aller prêcher en d’autres écuries d’Augias la bonne chienne de parole.

9782743654658

Diogène le Cynique, Pensées et anecdotes, Extraits des Discours de Dion Chrysostome, précédés de Vie de Diogène de Diogène Laërce, textes choisis, traduits du grec, préfacés et annotés par Nicolas Waquet, collection dirigée par Lidia Breda, Rivages poche, Petite Bibliothèque, 2021, 120 pages

Rivages poche – Diogène le Cynique

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