
©Märta Thisner
L’alcool fait des ravages, l’alcool nuit gravement à votre santé, l’alcool vous fait vieillir prématurément.
Oui, mais justement, qu’appelez-vous la grande santé ?
Quelle autre puissance dionysiaque aussi facilement disponible à chaque coin de rue, ou presque ?
On interdit sa consommation, on réglemente, on légifère, mais dans les appartements de Téhéran ou d’ailleurs, la dive bouteille n’est jamais loin du feu des poètes et des amants maudits.

©Märta Thisner
Accélérateur de solitude, oui, peut-être, mais aussi magnifique facilitateur, un peu comme un juge de paix loufoque.
Drunk in love, de la photographe suédoise Märta Thisner, témoigne ainsi, sur un empan chronologique de quinze ans, d’une vie menée au contact de ses amis, dans la dérive induite par la substance désinhibitrice.
« J’ai photographié, confie-t-elle, ma vie, mes amis, et les lieux dans lesquels j’évolue. Le sujet est le besoin de proximité, de camaraderie, et d’amour. Une recherche d’identité, de sexualité et de vie nocturne. Une collection d’images pour ne pas oublier et pour nous maintenir les uns près des autres. »

©Märta Thisner
Se présentant sur papier glacé sans texte, presque comme un catalogue de mode arty et trash, Drunk in love témoigne en couleur et coups de flashes dans la nuit d’une joie de vivre communicative.
On retire la robe à paillettes, on se jette à l’eau, on a les yeux rouges et l’air effaré.
Le regard des pairs ? Il se pourrait qu’ils soient dans le même état que nous, ou pire.
La fête appartient-elle à la jeunesse avide de dépense brute, d’expériences limites, d’explorations intimes ?
Oui, essentiellement, comme la révolution.

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Märta Thisner est au contact des corps, qui dansent, qui sourient, qui s’étreignent.
Des jeunes femmes s’embrassent, une autre baisse son pantalon de cuir en marchant dans la nuit, le vin est aussi blond et bon que les chevelures du Nord.
L’aigrette s’envole, les amoureux s’enlacent, ongles rouges contre chemise bleu nuit.
Les confinements successifs nous ont privés de la chaleur des corps, qu’il faut retrouver au plus vite avant quelque nouvel enfermement.

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Regards rieurs sous la couette, fourrure tombant sur des bas résille, un bel homme fait du skate nu, en hommage aux dieux de l’Olympe, ou de la Scandinavie.
Comme Lenz, on marche la tête à l’envers, mais avec bien moins de mélancolie.
Bain de minuit, faim de loup, le désir est un rouge à lèvre tranchant la figure de porcelaine d’une jolie blonde diaphane.
Cigarettes, neige, langues tirées dans le noir.

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Märta Thisner photographie la chorégraphie de l’amour libre, amour pour son prochain/sa prochaine, amour pour le chien qui passe, amour pour le verre de bière et la rose épanouie dans le vase.
Travaillant en coloriste, la photographe conçoit les couleurs comme une énergétique.
Nous allons mourir demain, aujourd’hui, dans quelques minutes.
Dans la belle illusion des yeux bleus de l’innocence avinée, c’est maintenant qu’il faut reprendre vie.
N’est-ce pas ?

Märta Thisner, Drunk in love, editor Gösta Flemming, Märta Thisner, Journal (Suède)

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